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Citation de Anneliese32



La nuit des loups.

Apprendre à composer, à se décomposer. Les arpèges bleus de nos espérances, de free jazz se font marche militaire.

Ne plus être dépositaire de soi même, vivre en poste restante. Les colifichets ont cédé la place aux colis fichés.

Ne plus oser être sauvage, dompter l'animal, mais vivre dans la perte de nos savanes et steppes.
Le lion est mort ce soir. Peuple des loups, adieu.

Nous vivions à bout de souffle, le cœur au bord de l’âme. Dans le papier millimétré du quotidien, nous traçons à présent notre avenir à la règle.

Ecran dégrisé de nos nuits blanches. Jours sombres de ces nuits qui ne servent plus qu’à dormir : elles ont perdu leur ontologique fonction de mères maquerelles.

Au cinéma Paradisio, les strapontins mités s’effritent, tandis que nous branchons les écrans plats de la facilité. A l’aulne de la mire, nous contemplons des miradors aux allures d’éoliennes. Il est si facile de nous faire prendre nos désirs expurgés de sens pour de belles réalités.

Même les rêves sont banalisés, canalisés, dévalisés de sens ; on espère une promotion, une PROMOTION, alors que nous voulions changer la vie…Rimbaud poète de cour. Abyssinie au fin fond du Gers.

«Je » n’est plus un autre, Je est cette entité parfaitement sociabilisée qui n’oublie jamais de passer au pressing. Je a perdu ses semelles de vent, il est adscriptus glabae dans la corvée des bienséances.

Ne plus connaître le nom des chanteurs et des groupes, premier symptôme de l’Alzheimer des libertés. Ecouter « Mord moi la langue » et être choqué au lieu de frissonner. Compteur bloqué sur Drucker ou Sébastien, ne plus regarder « Taratata ». Nos notes bleues évaporées cèdent la place au bal des vampires de la médiocrité.

Rouillées au fond d’un garage aux étagères ordonnées ou d’une mémoire de plages atlantiques, les sardines de la tente sont symboles de notre ascension sociale ; nos enfants ne connaissent même pas l’expression « dormir à la belle étoile ».

Chalouper le long des allées d’IKEA. Autrefois, passer des heures au fil d’un voyage immobile, sur des coussins en patchwork, à refaire le monde en écoutant Pink Flyod. Le Che en affiche rouge a aujourd’hui des allures de portrait présidentiel.

Faire calculer sa retraite, pendant que la génération d’avant pense à l’achat d’une concession. Logarithmes de plomb. Nous comptions, autrefois, les étoiles. Leur doux frou-frou s’est cristallisé sous la glèbe de nos deuils.

Dans la salle de bains, l’armoire à pharmacie prend plus de place que l’étagère des produits de beauté. Belle de nuit évaporée au gré des ordonnances : nos soieries se font flanelle.

Ne pas rater une seule réunion de copropriétaires, mais ne connaître aucune des nouvelles capitales européennes. Notre univers se rétrécit au fil des barbelés de notre morale. Accrochées tels drapeaux de prières vides de sens, nos souvenirs rouillent et claquent au vent mauvais.

Où êtes-vous, orages désirés ? Nous avons muselé nos tempêtes et encordé nos rêves. Endeuillés d’espérances, nous nous contentons d’un quotidien sans tambour ni trompettes, regard rivé au sol des sordides.

Cheveux longs idées courtes, mais la plage mugissait sous nos pavés jetés. Peroxydées de banalités ou en attente de calvitie, nous feuilletons les catalogues de la compromission. N’est pas Karl Lagerfeld qui veut.

Nous avions faim d’univers, nous avions soif de mondes. Etanché, notre appétit devient anorexie sociale.

Peuple des loups, sortez des bois ! Rêves, reprenez du poil de la bête !

Animale, j’ai retrouvé le sens des âmes. Esprit libre, j’ai appris à respecter mon corps.

Si tu attrapes ma main, nous sauterons à pieds joints de la falaise du non sens vers l’océan des impossibles.
Je t’attends.
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