Quand je dis que je ne suis pas capable d'aller jusqu'à l'entrée de l'hôpital, on me répond simplement :
- Eh bien ne le faites pas.
Ca me change de tous ceux qui, pleins de bonne volonté j'en suis sûre, me disaient en choeur : "Prends sur toi. Pousses-toi un peu. Surmontes ta peur et tu iras bien. Mais si, tu vas y arriver."
Parce que non, on ne peut pas prendre sur soi quand on se sent si mal sinon on le ferait tout de suite pour sortir de cet enfer. Parce que non, on ne va pas y arriver et que le fait justement de ne pas y arriver nous plonge encore un peu plus dans la détresse. Je crois que c'est pour ça que je me sens bien ici. Parce que j'ai le droit de me sentir mal.
La dépression EST une maladie. Si tous les gens atteints le savaient, ils arrêteraient sûrement de culpabiliser et leur entourage arrêterait peut-être de leur dire : "Prends sur toi." Parce que dire à quelqu'un qui fait une dépression : "Prends sur toi", c'est aussi stupide que de demander à quelqu'un qui s'est cassé la jambe de faire un petit effort pour courir un 110 mètres haies.
Un peu plus tard je reçois un mail de l'un de mes boss de la radio et je me dis encore une fois que j'ai de la chance de travailler avec des gens comme lui.
Ça ne me fait pas aller mieux, mais je suis sûre que s'ils n'étaient pas aussi humains et compréhensifs, j'irais encore plus mal.
Les choses les plus simples, les plus normales, deviennent tout simplement impossibles et on est incapable d'expliquer pourquoi.
Ce qu'on devrait dire à tous les gens qui sombrent comme moi, c'est qu'un jour ça s'arrête.
Là-bas chez mes fous, j'ai appris à vivre chaque instant avec ce qu'il apporte de bon ou de mauvais et je me suis rendu compte que ça rend la vie plus riche et qu'en prenant son temps, on ne le perd pas, loin de là.
Ce qui est sûr, c'est que cette expérience m'aura affaiblie et renforcée. Affaiblie parce que je sais maintenant qu'on peut s'effondrer et tomber très bas et que ça fait très peur de savoir que ça peut arriver.Renforcée parce que je sais maintenant aussi qu'on s'en sort.