Rencontre avec Sabine du Faÿ
Il resta immobile, humant les senteurs de la terre et du végétal. Le monde minéral de la Lune lui avait fait oublier l'existence des odeurs. Le robot se sentit revivre. Il avait l'impression que la Terre respirait au même rythme que lui.
Il y avait quelque chose qui clochait, mais quoi ? Harisson mit tous ses sens en alerte.
Et puis ce fut le choc terrible.la révélation à la façon d’une déflagration ! Ces enfants n’étaient pas nés d’un père et d’une mère ! Ou plutôt, ils étaient nés d’un père et d’une mère qui ne venaient pas du monde des humains ! Du monde de ceux qui avaient du sang et des os.
Le robot hésita :
« Il y a bien longtemps, il y avait ce qu’on appelait des cimetières.
- C’est quoi un cimetière ?
- Eh bien…cela va vous paraître étrange monsieur Harrison, mais quand vos semblables avaient terminé leur temps sur Terre, on les couchait dans une boîte en bois. On creusait un trou dans la terre, et on mettait la boîte dedans. Un ensemble de trous, c’est ça qu’on appelait un cimetière. »
Les idées géniales sont souvent nées de la capacité de leurs auteurs à se tromper et à ne pas s'arrêter à la frustration. L'erreur commise peut être transformée en expérience positive. D'ailleurs les contes de fées ne sont que des histoires qui ont mal commencé ou dont le héros a subi un échec et s'en est sorti en modifiant le destin, en ne s'arrêtant pas à l'échec de son entreprise. Sans obstacles à affronter, le récit ne serait pas passionnant et les traces laissées par l'histoire bien pauvres.
Parents, grands-parents, éducateurs avons tendance à vouloir protéger les enfants des écueils qu'ils peuvent rencontrer. Or, la difficulté et la peur qu'elle engendre font partie de la vie et de l'apprentissage de l'autonomie. Que seraient le courage et l'estime de soir dans ces obstacles qu'il faut surmonter ?
Ces quinze histoires permettent à l'enfant de modifier sa vision de l'erreur afin qu'elle ne soit plus synonyme de faute mais d'essai à transformer.
Je suis si heureux...
que j'en viens à aimer
la route poussiéreuse,
et même les cahots.
-Ouvre les yeux, Rahim.
Regarde, regarde...
comme notre pays est beau !"
« Vous êtes un idiot ! » répéta madame Logos.
Harrison ne comprenait pas. Il avait pris soin de décrire ce qu’il avait vu pendant la visite. Il pensait avoir fait un bon travail. Se concentrer sur cette tâche lui avait permis d’oublier ses soucis.
L’instructeur se mit à arpenter la pièce d’un pas nerveux.
« Vous ne savez pas écrire ! Votre rédaction fourmille de choses inutiles. Vous évoquez la douceur du regard de la vache…C’est stupide ! Et le blé ? Vous ne dites rien sur les quantités produites, sur sa transformation… Par contre, vous vous étendez sur sa couleur ! Ridicule ! On vous demande d’être concis, Harrison. Soyez bref ! Votre texte fait cinquante lignes, alors que dix auraient grandement suffi. »
Harrison regardait le bout de ses bottes.
« Le pire, Harrison, c’est que vous n’avez utilisé ni abréviations ni symboles. Prenez donc exemple sur Russel, qui m’a rendu un devoir parfait : six lignes d’abréviations ! Un petit chef-d’œuvre qui se lit en six secondes. »
La femme du tailleur s'empressa d'ajouter une assiette . Elle était heureuse à l'idée de pouvoir , elle aussi , écouter le bossu chanter . Elle apporta un plat de poisson , et ils s'attablèrent .
Il examina avec attention la couverture en cuir, déchiffra la titre : Poésie.
Qu'est ce que "Poésie" peut bien signifier ? se demanda-t-il avec curiosité. Est ce un robot célèbre? Ou une planète inexplorée ?
Il ouvrit délicatement le livre , se mit à tourner les pages, lentement.
Il s'arrêta et lut....tourna une autre page....réfléchit, plissa le front.
"Je ne comprends rien, se dit-il, à la fois intrigué et dépité. Quelle drôle de façon de s'exprimer. Celui qui a écrit cela a un gros problème avec son cerveau."
Il referma le livre mais ne put se résoudre à le reposer sur le sol. Il lui semblait , c'était idiot , bien sûr, mais ce qu'il avait lu.... c'était comme une chanson. Comme si la musique des mots continuait de résonner à son oreille.
Une question trottinait dans sa tête " Pourquoi tout ce texte sur du papier et non pas sur un écran ?"
Il approcha de nouveau le livre de son visage, et le respira : ça sentait bon.
« La mer ! Qu’est ce que la mer ? demanda l’instructeur avec grandiloquence, et faisant visiblement un effort pour ne pas montrer son impatience.
-L’aire de l’élevage des poissons » répondit Bob, posément.
Madame Logos l’encouragea du regard, et il continua d’un ton monocorde. « La mer a été divisée en compartiments, ou casiers si vous préférez. Par la baie vitrée, vous pouvez apercevoir le haut de quelques uns de ces innombrables casiers, qui tapissent le fond marin. Dans chacun de ces casiers est élevée une espèce de poisson, qu’on nourrit avec des aliments très étudiés, adaptés au type de poisson présent dans le casier. »
-Où est passée la plage ? répéta Harrison avec entêtement.
-Chut ! Pas si fort, dit le robot, mal à l’aise. Les plages c’était il y a longtemps. C’était à l’époque où on se baignait encore dans la mer. »
Harrison regarda son compagnon avec étonnement.
« Schram ne veut pas me répondre, et se moque de moi, pensa-t-il tristement. Se baigner dans la mer ! Personne n’aurait une idée pareille. La mer est une réserve de nourriture, pas une baignoire ! »