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Citation de coco4649


Oiseaux


III

  … Toutes choses connues du peintre dans l’instant même de son rapt, mais dont il doit faire abstraction pour rapporter d’un trait, sur l’aplat de sa toile, la somme vraie d’une mince tache de couleur.

  Tache frappée comme d’un sceau, elle n’est pourtant chiffre ni sceau, n’étant signe ni symbole, mais la chose même dans son fait et sa fatalité – chose vive, en tout cas, et prise au vif de son tissu natal : greffon plutôt qu’extrait, synthèse plus qu’ellipse.

  Ainsi, d’un « territoire » plus vaste que celui de l’oiseau, le peintre soustrait, par arrachement ou par lent détachement, jusqu’à pleine appropriation, ce pur fragment d’espace fait matière, fait tactile, et dont l’émaciation suprême devient la tache insulaire de l’oiseau sur la rétine humaine.

  Des rives tragiques du réel jusqu’en ce lieu de paix et d’unité, silencieusement tiré, comme en un point médian ou « lieu géométrique », l’oiseau soustrait à sa troisième dimension n’a pourtant garde d’oublier le volume qu’il fut d’abord dans la main de son ravisseur. Franchissant la distance intérieure du peintre, il le suit vers un monde nouveau sans rien rompre de ses liens avec son milieu
originel, son ambiance antérieure et ses affinités profondes. Un même espace poétique continue d’assurer cette continuité.

  Telle est, pour l’oiseau peint de Braque, la force secrète de son « écologie ».

  Nous connaissons l’histoire de ce Conquérant Mongol, ravisseur d’un oiseau sur son nid, et du nid sur son arbre, qui ramenait avec l’oiseau, et son nid et son chant, tout l’arbre natal lui-même, pris en son lieu, avec son peuple de racines, sa motte de terre et sa marge de terroir, tout son lambeau de « territoire » foncier évocateur de friche, de province, de contrée et d’empire…
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