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Citation de michelekastner


Les tapisseries sont jaunies par le temps, par le soleil, par des journées heureuses et désespérées, peuplées de fenêtres crasseuses et de nourriture dégueulasse, tous les ans, toutes les mouches. Les mains chaudes de Dorothy sur ton visage. Le visage de Dorothy entre les ombres démesurées projetées par les arbres. Dorothy étendue dans ton lit, ivre de vin sucré, quand tu rentres de l'école l'après-midi. Dorothy et ses papiers tue-mouches, Dorothy et sa voix de desperado : Je ne veux pas choisir, Valerie. Je ne veux pas Tout ou Rien. Si je dois choisir alors je choisis Tout. Je te choisis, toi, Valerie. Et je choisis Moran, Valerie.

Les relents de leur sueur, de leur bibine et de leur amour de film d'horreur qui est la proie des bombes et des brasiers, se dressent autour d'eux comme une cloison pestilentielle lorsque tu prends tes affaires et la poudre d'escampette par la même occasion. Dehors le ciel est un flamboiement rosé et le jardin un océan d'étoiles falotes. Les verres et les bouteilles près de la balancelle tout comme la véranda sont noyés dans le soleil du matin. Tu refermes la porte de la maison pour la dernière fois et tu traverses le désert pour la dernière fois. Ce désert où Louis s'est éclipsé, où le fleuve a été rendu toxique, où Dorothy a chassé des nuits entières et brûlé les manches de ses robes, où vous zigzaguiez main dans la main sous le ciel. Tu le raconteras, plus tard, à Sister White :

j'ai détalé. J'ai couru dans le désert comme une dératée. Je n'ai jamais retrouvé le chemin de la maison. Tout n'était qu'une seule et même accumulation de requins bleus et froids. J'étais une enfant malade. Je désirais retrouver Louis. Retrouver cette électricité, cette sensation de gaz carbonique dans les jambes et dans les bras. Il était impossible de m'aimer. J'ai marché dans le désert. Il faisait clair, c'était lumineux et solitaire. j'ai pris mes affaires et je suis partie à jamais. Tout en moi criait : le coeur, Dorothy. La lumière scintillait. Les assiettes de soupe et les bouteilles de la soirée précédente étaient toujours sur la table, les taches de vin, une nappe crasseuse, les lettres roses de Dorothy, les insectes qui se pourchassaient au-dessus de la toile cirée. Ca puait la pluie, l'eau, l'essence et la vieille bibine. Un lézard me regardait, hissé dans le vieux verre de Whisky de Moran. Le vent soufflait ce jour-là. J'ai pris le lézard, je l'ai mis dans mon pull, puis j'ai détalé
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