Sarah Robinson (II)

Elle n’était pas le genre de femme qui s’attachait à un homme qu’elle connaissait depuis quelques semaines à peine, encore moins le genre à coucher avec. Et pourtant, la voici. Elle ne pouvait pas nier l’alchimie qu’il y avait entre eux, mais c’était quelque chose de plus que ça. Une intimité, une vulnérabilité… il la voyait . Quand Ben la regardait, il voyait ce qu’elle était vraiment. Et il la connaissait à peine. Il la faisait sentir adorée. Digne. Précieuse. Suis-je idiote ? Est-ce simplement la façon d’être de Ben ? Une partie d’elle était terrorisée que ce le soit, une autre partie était terrorisée de le découvrir. Elle voulait que ce soit vrai, ne serait-ce que pour le weekend. Elle voulait se sentir entière et guérie et le fait d’être avec lui le permettait déjà. Cela devait être spécial pour lui aussi. Ça devait l’être. Elle n’avait jamais été spéciale pour personne d’autre. Ben bougea. — Aria ? Tu pleures ? Il se retira suffisamment pour voir son visage. Je pleure ? Elle essuya rapidement son visage et, effectivement, il y avait des larmes sur ses joues. Ben se redressa immédiatement et la prit dans ses bras en commençant à caresser son dos. — Que t’arrive-t-il, ma belle ? S’il te plaît, parle-moi. Aria était incapable de parler, un nœud dans la gorge l’empêchait de le faire. Plutôt que d’essayer, elle secoua simplement la tête et blottit son visage contre son épaule en s’accrochant à lui. Les larmes continuaient à couler et son embarras, à grandir. Il lui murmurait des mots doux à l’oreille tout en lui caressant doucement le dos et en la serrant contre sa poitrine.

Dire qu’elle était sublime était trop insuffisant pour décrire cette femme, ou la façon dont son long cou plongeait dans ses épaules fines et des clavicules profondes. Sa poitrine remplissait la robe rouge foncé qu’elle portait et qui accentuait sa silhouette en sablier, et sa tresse dorée tombait par-dessus son épaule d’une gravité et d’une douceur qu’il n’avait jamais vues auparavant.

Quelqu’un bouscula Ben alors qu’il se précipitait vers elle et le rappela à la réalité. Qu’est-ce que je fais ici ? Cela faisait à peine six mois qu’il était sorti d’un long divorce et il avait juré de ne plus s’intéresser aux femmes pour le moment. Et une actrice ? Cela ne pouvait pas arriver. Il n’allait surtout pas faire la même erreur une deuxième fois. Sans parler du fait qu’il était son chef, techniquement parlant, et qu’il aurait un grave conflit d’intérêts. Tout cela en admettant qu’elle soit célibataire et attirée par lui, chose qui…

Mais pourquoi je pense à tout ça ? Ben secoua la tête pour faire fuir cette idée, sans être capable de se rappeler la dernière fois qu’il avait ressenti une telle confusion à cause d’une femme.

Chapitre 3 :
«… Il secoua la tête.
— Non, ce n’est pas grave. Je viens d’en finir avec un divorce, il y a six mois, même si nous étions déjà séparés depuis un an avant cela. Je crois que vous avez raison, l’amour est un choix. Faire fonctionner l’amour est un choix. Et pourtant… si ce n’est pas la bonne personne, ce n’est pas le bon choix.
— Des âmes sœurs.
Aria haussa un sourcil.
— Vous y croyez ?
Ben la regarda pendant un moment… un long moment. Le genre de moment qui la faisait déplacer son poids d’une jambe à l’autre, qui faisait s’enflammer sa peau sous son regard.
— Oui. Je crois aux âmes sœurs.
Elle haussa légèrement le menton en essayant de se montrer taquine.
— Bon, personne n’est parfait. Vous ne pouviez pas être totalement parfait.
Ben rit à nouveau.
— C’est un défaut de croire aux âmes sœurs ?
— Acheter ce que vous vendez est certainement un défaut. Vous êtes producteur de films, alors vous vendez du rêve aux gens.
— Je crois que le rêve est possible.
Son regard scintillait, mais son sourire s’était effacé.
— Vous ne voulez pas de rêves ? »

Chapitre 4 :
«…
— Je suis désolé.
Il essayait de trouver une façon de justifier sa rupture totale avec la logique.
— Mais en même temps, je en suis pas du tout désolé. j’avais envie de faire ça depuis que je t’ai vue pour la première fois. Et c’est totalement contre les règles – s’il y a bien des règles. Ce n’est pas du tout professionnel et je devrais être plus judicieux.
— Tu devrais être plus judicieux, acquiesça-t-elle en penchant la tête sur le côté alors qu’un petit sourire se dessinait sur son visage. Mais moi aussi je devrais l’être.
Il sourit d’une oreille à l’autre, mais le ton de sa voix resta sérieuse.
— Nous ne devrions pas.
— Certainement pas.
Elle pressa ses lèvres entre ses dents et se retira. Des lèvres pulpeuses et roses qu’il venait d’embrasser… et qu’il voulait embrasser à nouveau.
— Ce serait très déplacé...»

Ils ont critiqué chaque partie de mon corps, ils m’ont démontée morceau par morceau comme si j’étais du bétail à vendre. Les commentaires explicites des hommes, les remarques dénigrantes des femmes. Personne n’a eu un bon mot à dire. Personne n’a eu de l’empathie. J’ai lu tous les commentaires, j’ai avalé cette haine, et l’ai laissée m’empoisonner. Je l’ai laissée me faire douter de moi-même, et de la personne que ma mère et mon père m’ont appris à être.

Jusqu’à ne plus douter.

Jusqu’à ce que je regarde dans le miroir et me rende compte que les actions d’un seul homme ne changeaient rien. Ce qu’il a fait, la façon dont la presse l’a repris, dont le public a réagi… ça a fait mal. Ça a fait tellement mal, mais cela n’a rien changé.

Il avait beau vouloir faire fuir ces sentiments à présent, il en était incapable. Elle lui manquait à chaque expiration. Il la pleurait à chaque inspiration. Il déambulait dans sa vie comme un fantôme, déjà parti. Il en détestait chaque instant.

Il avait passé trente années sur cette planète relativement heureux, et il avait eu une vie plutôt pleine. Jusqu’à ce qu’il rencontre Aria et se rende compte à quel point tout avait été vide et misérable sans elle. Dans un sens, il la connaissait à peine, mais dans l’autre ? Il se sentait comme si sa moitié lui avait été arrachée et il ne savait pas comment continuer à respirer sans elle.

Je sais qui je suis. J’aime, qui je suis.

Telle est la leçon qu’on devrait enseigner à la prochaine génération de femmes. Telle est la morale qui devrait être à la fin de cette histoire – plutôt que d’humilier la sexualité ou le corps, ou toute autre chose. Hollywood pourrait se servir des films pour mettre en valeur les femmes, pour donner de la force à un sexe entier, et pour promouvoir la solidarité et l’empathie envers les autres. Ils pourraient encourager toute personne qui a été jugée selon des critères différents d’autrui à cause des parties de leur corps.

Aria se sentit soudainement submergée par un raz-de-marée émotionnel, un désespoir de s’accrocher à l’homme qu’elle aimait et ne jamais le lâcher. Tout ce qu’elle avait écarté pendant des mois, des semaines, des jours… tout revenait comme une inondation de vérité alors qu’elle se rendait compte qu’elle ne faisait pas que dire les mots. Elle n’était pas simplement amoureuse de cet homme. Elle était faite pour être avec lui.

Ben était l’homme de sa vie, et pour la première fois, elle pouvait dire de plein cœur qu’elle croyait aux âmes sœurs. Elle croyait à eux.

Il était minuit passé, mais elle n’arrivait pas à dormir. Heureusement, elle avait le lendemain libre et elle pouvait dormir aussi tard qu’elle le voulait. Elle avait toujours la veille d’un shooting libre pour cette raison-là. Aucun photographe ne voulait la voir arriver avec des yeux fatigués. Son audition pour Peintures murales était dans une semaine et elle voulait vraiment faire ce film. Chaque minute libre des dernières semaines était consacrée à la répétition et à l’étude du rôle.

Mais rien de tout cela n’était la cause de son insomnie.

Lorsqu’il se retourna, elle se retrouva en face des mêmes yeux bleus qui l’avaient émerveillée plus tôt dans la journée. Cependant, il était différent. Plus calme. Voire détendu. Il portait un jean foncé et une chemise avec un col qui n’était pas entièrement boutonné, et son menton paraissait rugueux, comme s’il s’était rasé le matin et que les poils avaient déjà recommencé à pousser. Aussi attirant que lui eût paru l’inconnu en costume, elle était encore plus fascinée par cet homme à l’aspect brut qui se tenait devant elle.