J'aurais voulu lui dire combien il avait été magnifique. Je brûlais de lui dire ce que j'éprouvais : [...] un travail de véritable artiste. Bon sang, oui, d'artiste ! [...] Mais je ne pouvais rien dire. J'ai cette brutale réticence. C'est l'esclavage de l'époque. Nous sommes sensés être imperturbables.[...] j'ai souvent envie de dire des choses et elles me restent dans l'esprit. Elles n'existent donc pas vraiment ; on ne peut pas s'en vanter si elles n'émergent jamais. [...] j'aurais pu lui dire un tas de chose tout de suite. Quoi ? Eh bien, par exemple, que ce n'est pas le chaos qui gouverne tout. Que tout n'est pas qu'une course morbide et précipitée, désemparée, à travers un rêve qui s'achève dans l'oubli. Non, mon bon monsieur ! Une ou deux choses peuvent stopper cette course. L'art, par exemple. La vitesse est contenue. Le temps redivisé. La mesure ! Cette grande pensée. Mystère ! La voix des anges ! Pourquoi diable est-ce que je jouais du violon ? Et pourquoi mes os fondaient-ils dans ces grandes cathédrales de France, si bien que je ne pouvais pas le supporter, que je devais me saoûler ...