Savanah Alwood

Comme je n’aurais jamais cru possible de rencontrer et aimer un surfeur, moi l’élève modèle, la fille de la campagne, fille de pasteur et de directrice de chorale, élevée dans les valeurs protestantes ! Mais depuis ma maladie, j’ai appris qu’on ne décide pas toujours de sa vie, que vivre c’est prendre des chemins qu’on n’imaginait pas, c’est faire des rencontres totalement inattendues, découvrir des territoires inconnus et se rendre compte un jour qu’on est différent de ce que l’on croyait.

J’ai des principes et des engagements, mais j’ai aussi un… Enfin, je veux dire, un corps ! Et puis la baignade m’a procuré une sensation agréable. Se mettre à poil dans la mer, nager, ça a réveillé en moi des trucs un peu oubliés ! Miss nature n’a pas totalement tort en disant qu’un petit stage de remise en forme ne ferait pas de mal. Je le sens depuis quelques temps. Je n’ai plus d’activités, je fume, je picole, je respire l’air pollué de L.A.

Il faut dire que ces derniers jours, je ne sais pas ce que j’ai, mais j’ai la libido en folie. Et puis la fille du mec qui m’a recruté, m’a chauffé toute la soirée d’hier. J’avais du mal à me concentrer avec l’autre abruti tellement elle me tapait dans l’œil. A croiser et décroiser les jambes, en mode Sharon Stone dans Basic Instinct, la lueur démoniaque dans les yeux en plus, j’ai cru que j’allais bondir du canapé pour lui sauter dessus.

Elle me trouvait attentionné ! Moi qui pour survivre ai dû apprendre à penser d’abord à ma gueule ! Elle disait que mes doigts étaient délicats ! Ces doigts usés par les cordes, écorchés à force de gratter ma Gibson pour sonner le blues et le rock ! Joddy m’appelait mon soleil ! Moi qui suis né à Leadville dans une des plus grandes villes minières des Etats-Unis, au fin fond du Colorado.

Ce que j’ai trouvé sur cette île, ce n’est pas ce que j’étais venu y chercher. J’ai même oublié pourquoi j’étais venu. Enfin, c’est elle qui m’a fait oublier ! Ce que j’ai trouvé, c’est le goût du bonheur. C’est une parenthèse dans ma vie. C’est une bouffée d’air en dehors de l’enfer quotidien du trou que je me suis creusé depuis des années.

La nature reprend ses droits, comme toujours ici sur l’île. De la forêt proviennent à nouveau les cris des oiseaux qui semblent se répondre les uns aux autres.

Quand on chante, il ne faut pas être dans une situation confortable, il faut être droit, à la verticale en lien avec le ciel et la terre.

Ici à Santa Cruz, nous vivons un peu d’amour et d’eau fraîche. Nous nous suffisons à nous-mêmes.

Même avec leur moitié, les êtres humains ne veulent pas aller vivre à l’écart du monde.

Les hommes sont naturellement polygames.