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Critiques de Sébastien Fath (2)
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Militants de la Bible aux Etats-Unis : Evan..

Cet ouvrage d’un jeune sociologue français de l’Ecole pratique des hautes Etudes (EPHE) se présente comme une enquête passionnante au cœur de la Bible Belt américaine. C’est dans cette région conservatrice, d’où sont pourtant originaires Jimmy Carter ou Bill Clinton que les Républicains comptent aujourd'hui leurs soutiens les plus actifs. Une écrasante majorité de sa population s’y dit born again (ayant vécu une expérience de « renaissance ») ou « évangéliques ». On y croit au Diable et à l’Apocalypse. Vu depuis l’Europe déchristianisée, un tel militantisme religieux effraie. Et la tentation du mépris vient souvent suppléer l’effort d’analyse.



Pourtant, comprendre la ferveur religieuse de la Bible Belt – l’expression a été forgée au début du siècle par le journaliste Henry Louis Mencken et correspond aux anciens Etats confédérés auxquels s’ajoute le Kentucky – permet de mieux cerner l’Amérique de Bush, ce Texan d’adoption qui a renoncé à l’alcool et est re-né à la foi sous l’influence de Don Evans et du télévangéliste Billy Graham. Sébastien Fath nous invite à remonter l’histoire pour comprendre comment le protestantisme le plus conservateur s’est enraciné au Sud.



A l’origine, le Sud est anglican comme l’était toute la colonie britannique. Avec l’indépendance, l’Eglise anglicane perd ses privilèges. Elle est supplantée au début du XIXème siècle par le baptisme et le méthodisme qui l’un comme l’autre aspirent à « réveiller » la foi chrétienne. Cette foi « plus horizontale, égalitaire, associative » (p. 41), mieux articulée à la culture populaire, séduit les Blancs mais aussi les Noirs en cours de christianisation. Après avoir bousculé les structures sociales de l’anglicanisme, elle s’en est progressivement accommodé pour s’ériger « en nouveau pilier d’un ordre social contraignant » (p. 45).



La Guerre de Sécession – les Américains parlent de Civil War – a renforcé cet exceptionnalisme. S. Fath insiste sur la marque laissée par ce conflit traumatisant. En quatre ans cette « guerre totale » a tué presqu’autant d’Américains que toutes celles auxquelles les Etats-Unis ont été impliqués dans leur histoire. Le Sud a été ravagé. Comme le montre "Autant en emporte le Vent", les habitants du Sud ont eu l’impression que leur monde s’écroulait. Il ne leur restait de refuge que leur foi religieuse et le sentiment meurtri de constituer « la dernière société pieuse d’Amérique ».



Ce complexe obsidional explique par exemple les positions aberrantes défendues, à rebours de la rationalité scientifique professée au Nord, à l’égard du darwinisme. C’est au Tennessee que se tient en 1925 le fameux « procès du singe » où un professeur de biologie fut traduit en justice puis condamné pour avoir enseigné à ses élèves la théorie de l’évolution en violation de la loi de l’Etat. Autre singularité du Sud : le long maintien d’une ségrégation raciale contre laquelle les Eglises méthodistes et baptistes ne protestent que mollement, ce qui n’empêchera pourtant pas les Noirs d’embrasser à leur tour l’évangélisme. Parfois l’ordre social sudiste dicte sa politique à Washington. Ce fut le cas dans les années 20 : la Prohibition nous apparaît avec le recul d’autant plus exotique qu’on a oublié combien la renonciation à l’alcool était pour les abolitionnistes en ces temps-là la condition d’une vie saine, morale et chrétienne.



Après la Dépression qui frappe le Sud de plein fouet, la Bible Belt connaît une phase de modernisation accélérée marquée par l’urbanisation et le déclin des communautés rurales. Pourtant ce décollage ne s’est pas opéré au détriment des Eglises. D’un côté les anciens esclaves noirs ont utilisé les Eglises, au premier chef l’Eglise pentecôtiste, pour revendiquer l’égalité des droits. Le pasteur baptiste Martin Luther King a conduit le Civil Rights Movement avant qu’un autre pasteur, Jesse Jackson, ne prenne le relais. D’un autre côté, le protestantisme conservateur blanc prospère. S. Fath révèle sa diversité. Les télévangélistes Jerry Falwell et Pat Robertson dont les prêches enflammés attirent des millions de fidèles et qui exercent une influence politique réelle n’ont pas grand chose à voir avec les missionnaires de la Columbia International University qui, hors de tout engagement politique, vouent leur vie au prosélytisme ou avec les exégètes orthodoxes des Bible study groups.



La question se pose de l’essoufflement du mythe de la Bible Belt. Sans doute avec l’intrusion de la modernité , le Sud s’est-il américanisé. La ségrégation raciale est moins marquée, même si elle n’a pas totalement disparu. Le contrôle social des Eglises n’est plus aussi absolu. Renversant la perspective, S. Fath se demande si la religiosité de la Bible Belt loin de s’éteindre ne s’est pas étendue à l’ensemble des Etats-Unis. La victoire de George W. Bush, ses positions sur la peine de mort, l’avortement, le mariage homosexuel tendraient à le montrer : « Dixie [le Sud] s’est américanisée, mais l’Amérique s’est colorée dans le même temps de culture sudiste » (p. 188).
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Les Protestants

Ce livre présente sans pédantisme, avec clarté et petinence quelques idées force du protestantisme, démonte quelques idées reçues.
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