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Citation de liliba


Sur les hauteurs du parc Montsouris, des féviers d'Amérique poussent le long des pentes de la voie ferrée désaffectée. Des rangées d'ifs touffus les cachent aux yeux des promeneurs, des rambardes de faux rondins en interdisent l'accès et les épines de leur tronc dissuadent les étudiants de la cité universitaire de s'y venir bécoter en cachette des gardiens. Rarement, ces derniers mènent-ils leurs rondes d'inspection sur les passerelles moussues qui surplombent la tranchée de la voie ferrée. Certaines nuits, l'entrée du tunnel abandonné avale des ombres en maraude le long des rails. Paris les digère sans jamais rien recracher. Seul le souffle du vent qui s'engouffre au soir dans son mufle affole le silence. Ni les piaillements des aires de jeu ni les cancans du bassin ne franchissent la barrière des cèdres. Défendus par les parois de la tranchée, les pentes escarpées, les grilles et les épines, ces féviers sont un refuge extraordinaire : on n'y accède que par les airs. C'est là que je vis, sur la quatrième branche du plus haut févier. Mon trou dans le tronc n'est pas confortable, c'est pour sa quiétude que j'y ai élu domicile. Des mousses et quelques gousses ont suffi à le rendre habitable. N'importent l'humidité de l'écorce, les champignons qui y poussent ni les mousses moisies qu'il faut souvent remplacer : je tiens à mon confort moins qu'à ma tranquillité. Mes voisins connaissent mon goût de la solitude. Que je les inquiète n'explique pas peu qu'ils le respectent. Il faut admettre que je ne fais rien pour améliorer la réputation des Corbeaux, sans en rajouter : nous n'avons tout bonnement pas de contacts. Je concède d'ailleurs volontiers que ce sont des animaux discrets et de bons voisins. Le couple de Pies de la première branche n'est pas bavard, c'est une chance. La femelle fait en sorte que ses petits ne s'approchent pas. Qui sait ce qu'elle leur raconte sur moi ? Peut-être simplement la vérité... Les vols de Moineaux piaillards ont appris à éviter les féviers ; les arbres ne manquent pas, dans le parc, pour passer la nuit. Par bonheur, les Rouges-gorges, les Mésanges et les Pinsons préfèrent les arbres bas et plus ensoleillés pour s'égosiller. Quant à l'Écureuil auquel il avait pris de creuser sa bauge sur la troisième branche, il n'a guère été long à déménager : j'excelle à convaincre les importuns lorsque ma tranquillité est menacée. Les autres féviers sont habités par des Pigeons, des animaux paisibles dont les roucoulements ne troublent pas mon repos. On les tient avec raison pour stupides mais leur placidité me les rend sympathiques. Je respecte leur bêtise silencieuse, ils respectent ma solitude revêche. Nous nous saluons lorsque nous nous croisons, ce sont tous les rapports que nous avons. C'est très bien ainsi : que pourrais-je avoir à leur dire ?
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