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Citation de Sergi


L’air épais pèse sur les danseurs couverts de sueur. Pas une feuille ne bouge. Comme si le monde s’était arrêté, figé. Les corps se meuvent avec effort et pourtant, les prêtres ont fait signe aux hommes de recommencer à frapper les tambours, dont certains sont aussi hauts qu’eux. Leurs sons sourds et puissants ricochent sur les troncs, sur les murailles, sur les rochers gravés de dessins magiques, tandis que retentissent les souffles des conques. Les feux brûlent aux coins de l’esplanade et dans les environs. Les torches de coco envoient sous les voûtes végétales des gerbes d’étincelles. Un frémissement gagne l’assistance, massée sur les gradins, quand une voix aiguë monte de la nuit et s’y épanouit en un long appel. C’est l’hommage à l’arbre dont la seule présence assure la vie dans les îles, l’arbre à pain, le dieu-arbre. Et les vehine sortent de l’obscurité, les hanches agitées de mouvements appuyés sur les rythmes, dans un intime dialogue. Le reflet des flammes sur les jupes de feuilles luisantes leur donne des aspects d’incandescence alors que les têtes entraînent dans leurs saccades les longues plumes blanches piquées dans les couronnes de graines. Assis devant le grand banian, le chœur des femmes accompagne les danseuses de son chant plaintif. Un vieil homme parcourt l’arène en trottinant et dresse de temps à autre son bâton emplumé en poussant un cri strident.
Terville tressaille, ce vacarme lui donne la chair de poule. À la fois subjugué par cet étrange spectacle et angoissé par sa violence sauvage. Les femmes accomplissent dans un ensemble parfait des pas complexes, alors que leurs hanches tracent dans la lueur mouvante des torches des mouvements d’une inimaginable lascivité. Il a reconnu là-bas celle à qui Manoo a offert la pièce de tissu qu’il lui avait remise sur le pont de la Boussole. Est-elle sa fiancée ? Pour autant qu’il puisse en juger sous ce faible éclairage, sa peau est plus claire que celles de ses voisines. Une métisse ? Les seins de toutes ces femmes se balancent à la même cadence, fruits autrement désirables que ces amoncellements de boulets de l’arbre à pain qui parsèment l’espace et dont les indigènes sont si friands.
Il sent soudain une lourde goutte s’écraser sur son crâne, puis une autre dans son cou. Sans plus de signes annonciateurs, le ciel s’ouvre et un déluge d’eau s’abat sur eux.
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