RÉVÉLATION
Extrait 4
Au-delà, du côté du soleil, du côté d'avant le soleil,
où la lumière crée le soleil :
Plein velours de l'instant.
Infinie, infinie félicité de l'infime.
Éclaircie hors mirage.
À jamais désormais, à jamais.
" Jusqu'au sommet central de l'intérieur de tout. "*
Fluide ébène, cette cascade,
et le courant
et l'onde de choc :
tout est dedans, même le dedans, même le non-lieu —
dedans, même " l'histoire qui tombe au dehors
comme la neige. "**
* Roger Gilbert-Lecomte
** André Breton
La rade de Brest, le dimanche 19 septembre 1845 : il est sept heures et demie du soir, et la goélette de l'état "la Doris", après avoir franchi toutes les passes du Goulet, se dispose à terminer son voyage.
De retour des Antilles, ses cinquante-huit hommes d'équipage et ses neuf passagers apprécient de n'avoir plus que quelques minutes à attendre avant de débarquer.
La traversée a été pénible, de violentes tempêtes ayant assailli la goélette à la hauteur des Açores.
C'est du reste pour y subir diverses réparations que "la Doris", endommagée, vient ainsi rallier Brest.
Un très puissant jusant a déjà rendu difficile le franchissement des passes du Goulet de Brest, mais enfin tout se termine et l'on s'apprête à jeter l'ancre.
La goélette court grand largue, toutes voiles dehors....
(extrait de "la Doris", chapitre du volume paru dans la collection "Hier et Demain" en 1977)
LAS ABALOCHAS BAILAN
PARA DHAMBALA
( À partir d'un tableau de Wifredo Lam portant ce titre, où l'on voit les Abalochas, disciples et grandes prêtresses réunies, tenter de porter remède au dieu vaudou Dhambala.)
Je meurs en chaque foudre et chaque orange
— Dansez, Abalochas
Allumez tuez les grands trous noirs
Le vent se tait il emporte la jungle
Pourquoi écoutez-vous ce qui jamais ne s'écoute ?
Pourquoi n'écoutez-vous pas ?
Êtes-vous sans pourquoi ?
Y eut-il jamais de l'écouteur dans l'écoute ?
Douleur d'Abalocha
Entendre
À la fin est-il son ?
Vous savez vous y prendre, vous savez vous y perdre
Dansez, Abalochas
En me soignant à la torture
En m'humanisant à moelle
Me crucifiant sans le moindre hasard
Me bouddhifiant dans le sourire à main de cheval
Me shivaïsant, m'étiquetant, me dhambalaïsant
Vous pliez ma jambe et ne me voyez pas —
Vous ne tenez rien en me voyant
RÉVÉLATION
Extrait 1
À l'éblouie.
Douceur sans borne à l'éblouie.
Infinie, infinie, félicité de l'infime, du presque rien, à
l'éblouie.
Hauteur.
Gouffre d'en haut.
Sans plafond, sans parois.
Velours plein ciel.
Harmonie, tout d'un coup.
Communauté souriante, tout d'un coup.
Le sel de la terre accède.
Le sel de la terre voit le miel.
Le sel de la terre
enfin
goûte
le miel.
Enfin touche le ciel.
Enfin se sait le ciel.
LAS ABALOCHAS BAILAN
PARA DHAMBALA
( À partir d'un tableau de Wifredo Lam portant ce titre, où l'on voit les Abalochas, disciples et grandes prêtresses réunies, tenter de porter remède au dieu vaudou Dhambala.)
Je n'ai ni feu ni loi ni dogme
Je suis seulement cette vieille douleur qui hurle par les
yeux
L'espace
Sombre à l'horizontale de votre sacrée danse d'angles
et de becs
C'est la douleur seule qui danse — pas vous, Abalo-
chas
Ni vous ni ce que vous appelez
Moi
Douleur brute
Douleur pure
Engoulevents et carapaces
Elle danse de tous ses masques
De tous ses rythmes immobiles
Et vous croyez danser
Et vous croyez
Et vous projetez...
RÉVÉLATION
Extrait 2
Plus personne, en félicité,
personne.
Rien que le cœur,
le vaste cœur
qui voit plus ample,
qui bat plus souple,
qui brûle-pleure,
qui part en joie, joie, joie.
Rien que le cœur,
rien qu'une aile qui va.
RÉVÉLATION
Extrait 3
Et il s'en va, Tchaboudouradj, il s'évapore
dans l'infime infini, dans l'inentrevu.
Son verbe, son épée à concepts — plus besoin, plus
besoin dans la hauteur,
dans la hauteur hors plafond,
la hauteur sans parois où erre librement,
non cloué à la sensation,
aux pseudo-socles,
aux lubies de la faim,
le sel de la terre qui vient goûter au ciel.
Ce bloc de glace dans le crâne
n'est sûrement pas un tragédie
tu te perds dans les rues
tu n'en penses absolument rien
tu assassines l'offre et la demande
sous les tempes