AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Osmanthe


Je me précipitai et trouvai le vieillard, accoudé à la table, la tête entre les mains.
"J'ai de nouveau mal à la tête. C'est horrible !"
Le sang lui était monté à la tête et il était écarlate. Des veines bleuâtre battaient sous les rares cheveux blancs de son crâne presque chauve. En face de lui était posée une tasse avec des traces qui ressemblaient à du rouge à lèvres. D'un seul coup d'oeil je compris qu'il avait bu du vin pendant l'absence de sa femme.
"Ça ira mieux dans une seconde !" dit-il en plaquant un sourire forcé sur ses lèvres. "Pourriez-vous prendre la bouteille de vin sur le sol et la ranger dans le placard ? Sinon, elle saura."
Je saisis la bouteille. En ouvrant le placard, je remarquai, dans un coin, deux flacons remplis de comprimés bleus et blancs, rangés près de l'huile d'olive et du ketchup. Je les connaissais : le médecin m'avait demandé de les acheter à la pharmacie. Il ne manquait pas une seule pilule. La femme ne donnait pas les médicaments à son époux.
Je suis incapable de décrire ce que je ressentis à ce moment-là. Semblable à un enfant qui découvre avec horreur un insecte étrange, je restai un long moment devant le placard béant, fixant les flacons d'un oeil vide.
"Que se passe-t-il ? Vous pouvez la poser là, c'est bon !"
Le ton impérieux du vieillard me fit revenir à la réalité.
La femme rentra à la maison. Vêtue de noir, un sac à la main, elle aperçut de la porte d'entrée son mari la tête entre les mains et s'écria d'une voix tremblante : "Bernard !"
Quand il fut endormi dans sa chambre, elle vint dans la mienne et se répandit en lamentations avec des yeux humides.
"Il a bu du vin pendant mon absence. Oui, j'ai compris ! J'ai beau lui dire d'arrêter, il ne m'écoute pas. Ça a toujours été ainsi. Dès que je ne suis pas là, il fait n'importe quoi. Si je meurs la première, j'ignore ce qu'il va devenir."
Brusquement, alors que j'écoutais ses jérémiades, les deux flacons de médicaments aperçus auparavant dans le placard dansèrent devant mes yeux. Pourquoi ne donnait-elle donc pas les remèdes à son époux ? Elle n'avait aucune raison de le haïr. J'étais le témoin de ses attentions quotidiennes à son égard et je ne pouvais vraiment pas imaginer qu'elle me mentait tandis qu'elle se plaignait, avec des larmes dans les yeux. Pourtant elle nourrissait son époux avec des aliments gras, interdits par le médecin, et ne lui administrait pas ses médicaments. On aurait dit qu'elle faisait en sorte que son mari se rapproche chaque jour de la mort.

Extrait de "Adieu"
Commenter  J’apprécie          80





Ont apprécié cette citation (7)voir plus




{* *}