Le Corrège est peut-être le seul peintre qui sait donner aux yeux baissés une expression aussi pénétrante que s’ils étaient levés vers le ciel. Le voile qu’il jette sur les regards ne dérobe en rien le sentiment ni la pensée, mais leur donne un charme de plus, celui d’un mystère céleste.
On sait qu’il signait ses œuvres « Le joyeux » et qu’il était indéniablement un peintre de la joie. Sa peinture tourbillonnante d’anges et de femmes est une peinture de la joie de vivre, de respirer, de sentir et de toucher. Les innombrables putti farceurs et jeunes, terriblement jeunes, qui parcourent son œuvre, ne cessent de jouer, de se balancer et de pédaler dans le vide, les pieds en l’air, les joues rouges, les cheveux au vent, en aspirant l’air à pleins poumons de leurs fortes narines.
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C’est par la boulimie de la matière que Rubens échappe à la rhétorique creuse des peintres de cour. Tout se passe comme si les empâtements et les giclées de la couleur avaient peu à peu entraîné le virtuose, loin des pompes mythologico-chrétiennes de son siècle, dans un monde où ne compte plus que la substance pure… Les fesses des trois Grâces sont des sphères.
Marguerite Yourcenar, 1977
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Lorsqu’en 1600, Marie de Médicis quitta Florence à jamais pour rejoindre son époux Henri IV, le dernier conseil du grand-duc Ferdinand de Médicis à sa nièce fut-il : « Surtout, soyez enceinte ! ». Il fallait donc bien que la symbolique matrimoniale des trois Grâces en usage à Florence apparaisse quelque part et de façon éclatante dans le cycle de Rubens intitulé « Les histoires de la vie très illustre et gestes héroïques de ladite Dame-Reine ».
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