J’appris à lire, et le temps commença à courir, la réalité à s’effacer. J’étais libre de m’oublier, d’être pirate, ogre, sorcière, princesse. La solitude cessait, un écureuil ou une fée venait toujours à mon secours si j’étais en difficulté. Quand ma mère mettait le clignotant et ralentissait sur la piazza Lamarmora, j’étais presque contente maintenant. Je l’attendais en lisant. Pendant des heures, des années. Les autres grandissaient, les corps s’allongeaient, les voix s’enrouaient, mes camarades de classe avaient leurs règles. Moi, j’étais arrêtée, comme prise dans un sortilège.