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Citation de MegGomar


brouillard de solutions alternatives s’échappait de la tête de Zara, elle
n’arrivait pas à les canaliser, encore moins aurait-elle pu les peser. Ses
tempes palpitaient. Elle devrait respirer profondément, il fallait être
quelqu’un qui inspire confiance. Le genre de fille que les personnes âgées
aiment bien. Il fallait essayer d’être gentille, polie, bien élevée et serviable,
mais elle avait une tronche de pute et des gestes de pute, même si le fait de
s’être coupé les cheveux devait aider, dans une certaine mesure. Putain, elle
pourrait pas rester ici.
Zara fixa son attention sur la tasse de café d’Aliide. Si elle se concentrait
comme il faut sur un objet, elle pourrait mieux répondre à n’importe quoi.
Sur la porcelaine jaunâtre, il y avait des fêlures noires comme des pattes
d’araignée. Le corps de la tasse était translucide et rappelait une peau jeune,
même si la tasse était vieille. Elle était peu profonde et de forme gracieuse,
elle appartenait à un autre univers que le reste de la cuisine, il y avait là un
raffinement d’un monde révolu. Zara n’avait pas remarqué dans le buffet
d’autres pièces qui auraient pu appartenir au même service, même si elle ne
connaissait pas toute la vaisselle d’Aliide, bien sûr, seulement celle qui était
visible. Aliide y avait bu du café, du lait et de l’eau, en rinçant simplement
la tasse entre deux. C’était manifestement sa tasse à elle. Zara en scrutait les
fêlures et attendait la question suivante.
Aliide se tourna vers la cuve de tomates.
« C’était une bonne récolte, cette année. »
Une mouche se promenait au milieu des tomates.
Zara désigna la cuve de la tête.
Aliide chassa la mouche de la main.
« Elles ne pondent que dans la viande. »
Aliide avait fait attention. Elle avait tenté de susciter de l’intérêt pour la
Finlande, elle avait essayé de l’aiguillonner, mais non, la fille n’avait pas
posé d’autres questions sur Talvi ou sur la technologie. La fourchette tintait
seulement contre l’assiette, la bouche mangeait l’oreille avec application, la
tasse de café retentissait, les grandes gorgées couvraient la radio, et pendant
ce temps la fille palpait ses cheveux ras. Sa poitrine se soulevait. C’était
l’histoire de la voiture qui avait déchaîné la fille, pas le nouveau téléviseur
ni le reste. Peut-être qu’elle ne s’intéressait pas à eux, à moins qu’elle ne fût
juste diablement rusée. Mais une pareille souillon pourrait-elle être un
appât ? Ou même une voleuse ? Les voleurs, Aliide savait les reconnaître.
La fille n’avait pas les yeux assez vifs, pas comme ceux des voleurs. Le
regard de la fille était comme celui d’un chien obligé de toujours prendre
garde aux enfants qui font exprès de lui marcher dessus. Elle avait
perpétuellement l’air de partir se cacher, elle se repliait tout le temps sur
elle-même. Les voleurs n’étaient pas comme ça, du moins pas les voleurs
élevés à la dure. Et l’évocation de souvenirs de Finlande n’avait pas fait
monter l’enthousiasme aux joues de la fille, cette expression qu’Aliide avait
attendue, l’éclat bien connu de la cupidité, le trémolo du respect dans la
voix, rien de tout cela n’était apparu. Ou bien la fille voulait-elle voler la
voiture ?
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