AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de jalibert


J'ai cousu ma bouche et inventé pour mon corps une langue où les kilos sont des mots, où les syllabes sont des cellules, une langue où les reins endommagés et les viscères déchirés sont des règles de grammaire. Je me suis tue et j'ai parlé. Ma gorge est sèche et rugueuse, la boulimie fait de toutes choses une terre vierge, d'une forêt équatoriale un désert, ma tentative de chanter ressemble à un croassement de corneille, les mots sont confus, mes phrases n'ont pas de sens, comment pourrais-je donc comprendre moi-même, et pourtant je suis obligée d'être. Pas de moyen d'y échapper. Obligée d'exister. Obligée de le savoir. Obligée de savoir ce que je ressens. Obligée de savoir que je suis là. Obligée de comprendre que ce corps se dessèche, s'évapore, disparaît, oui, c'est ce qu'il fait, mais avec une lenteur tellement infinie que le voyage vers l'inexistence est infiniment long, et pendant ce long voyage on a le temps de penser à toutes sortes de choses, même si on n'en a pas la force, même si on essaye de ne pas penser on va tomber sur toutes sortes de gens et on se retrouve dans toutes sortes de situations, on a beau essayer de se dissoudre dans le non-penser et le non-être, ce voyage est trop long et l'accomplir requiert trop de volonté, et la volonté c'est l'être, et être c'est penser. Quel voyage sans fin.
Commenter  J’apprécie          130





Ont apprécié cette citation (10)voir plus




{* *}