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Critiques de Sonia Combe (5)
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Archives interdites

Si l'on aime le ton polémique et revendicatif dans les livres, vous serez très certainement comblé avec celui-ci.

Pour ma part, la recherche, la valorisation des archives, et le travail de l'archiviste ne sont pas mis en valeur, ni en lumière, dans cet ouvrage que j'ai envie de qualifier de "vulgaire papier".

C'est bien dommage que le ton du livre soit à la polémique, car il perd tout son contenu. Pour une fois que quelqu'un s'attarde sur le sujet, c'est loupé.
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La loyauté à tout prix

N’oublions pas ces « parias » et leurs espérances



Sonia Combe nous parle de temps, proches mais oubliés, le temps du nazisme et des crimes dont la destructions des populations juives et tziganes, le temps du stalinisme -d’autres crimes aussi – et de ses transformations, le temps de l’espoir, « Ces marxistes, souvent très critiques, n’avaient pas encore totalement perdu espoir, pas plus que la génération suivante, écrivains, artistes, dissidents auxquels, d’une manière ou d’une autre, ils avaient transmis leurs idées », le temps de la guerre froide ou l’« anticommunisme » ne se réduisait pas à l’anti-stalinisme.



Le temps de l’immédiat après-guerre, de la division de Berlin et de l’Allemagne, de la construction du mur, pour empêcher des allemand·es de fuir la RDA, le temps d’une communauté de destin : « celle des parias du nazisme, des persécutés du IIIe Reich et de ceux qui l’avaient combattu ».



L’autrice rappelle que l’historienne ne pratique pas la contrefaçon, qu’il reste cependant la possibilité d’envisager un autre déroulement historique, que l’histoire est toujours ouverte et non linéaire, qu’il est nécessaire de faire « revivre une mémoire bien peu présente » – non celle des apparatchiks, mais bien celle de celleux qui se sont tu·es, « davantage par loyauté envers un idéal dévoyé que par peur ou lâcheté ».



Je reviendrais en fin de note sur cette « terrible » idée de loyauté. Mais je veux d’abord souligner la place des ces écrivain·es dans mes lectures, et en particulier de Christa Wolf (en complément possible, parmi son importante œuvre, Cassandre, Trame d’enfance, Scènes d’été, Ce qui reste, Changement d’optique, Aucun lieu. Nulle part, Ici même, autre part, Adieu aux fantômes, Incident, ou Un jour dans l’année 1960 – 2000).

En prologue, « Un rêve tué par des imbéciles », l’autrice parle d’Edith Anderson et de son mari, émigré allemand, Max Schroeder, de son retour en Allemagne (plus précisément en RDA) de son témoignage, de la force de son récit, « Mais la force de son récit tient à la restitution du contexte de la guerre froide et l’évocation de convictions qui permettent de comprendre pourquoi des homes et des femmes comme son mari, l’éditeur Max Schroeder, le dramaturge Bertolt Brecht, la romancière Anna Seghers et bien d’autres décidèrent de retourner en Allemagne, choisirent la partie orientale occupée par les soviétiques, puis refusèrent de la quitter – alors même que leurs espoirs se dissipait peu à peu. Quitte à y laisser leur âme et leur santé ».



Sonia Combe souligne, entre autres, les entraves au retour mis par les Alliés occidentaux et la bureaucratie indigène, les « rituels sadomasochistes », le sort des rémigré·es, le silence sur ces communistes allemands disparu·es en URSS, la règle du silence que les un·es et les autres adoptèrent, les attitudes face à la révolte de juin 1953, l’exigence à l’ouest pour être réadmis·e d’une « dénonciation publique du socialisme », le Faust d’Hanns Eisler, « comme si Eisler avait « pissé sur ce monument national qu’est Faust » », les êtres brisés et les exils intérieurs…



L’ouvrage est divisé en cinq parties : L’espoir ; Le désenchantement ; Les héritiers ; Jurgen Kuczynski, un parcours exemplaire ; La RDA : Les derniers jours de la symbiose judéo-allemande.



En conclusion, « La « performance théâtrale » », Sonia Combe revient sur des parcours des rémigré·es et particulièrement sur celleux d’« origine juive », sur le désenchantement et la fidélité à leur choix de retour, ce qu’il advint après la chute du Mur, la place des écrits de Karl Marx, les résistances plus ou moins déguisées, le « texte caché » contredisant le « texte public », les compromis passés, « La frontière entre compromis et compromission est toutefois difficile à établir hors contexte et le regard surplombant de l’historien(ne) n’aide parfois en rien », le refus de l’évidence, « Car ils refusaient d’admettre l’évidence : que la Parti ne pouvait se réformer de l’intérieur. Ce comportement fut leur part d’irrationalité et leur faillite. De ce fait, nul n’aura été aussi méjugé au cours du 20e siècle que ces hommes et ces femmes floués par l’Histoire »…



De l’épilogue « A l’ombre de Fichte, Hegel et Brecht », je choisis le cimetière de Dorotheenstadt, « Des arbres immenses et majestueux, des tombes toujours fleuries. Chacune d’elles est particulières », la distance aussi qui exista entre les bureaucrates et ceux dont ils « tuèrent » le rêve…



Il ne s’agit pas en effet de juger. Qu’aurions-nous fait les un·es et les autres dans ces circonstances ? Aurions-nous protesté à haute voix et brisé le silence ? « Le silence, que l’on ne peut exonérer d’une part de prudence, voire de manque de courage (mais qui sommes-nous, dans nos sociétés démocratiques où les risques de prises de parole sont comparativement minimes, pour les juger ?), fut bien souvent le plus grand compromis qu’ils passèrent ». Sans oublier l’antifascisme et la guerre froide, aurions-nous accepté de nous taire au nom d’une espérance – quand bien même nous la savions pervertie ou trahie -?



Ne nous taisons-nous pas aujourd’hui sur certains faits pour ne pas défaire de possibles alliances, de tacites et illusoires complicités ? Ne gommons-nous pas les multiples contractions à l’oeuvre dans les rapports sociaux – pour ne rien dire des rapports interpersonnels – pour lisser le présent et fermer les yeux sur bien des malfaisances ou crimes ?



L’idée même de faire prédominer une « loyauté » à un parti, à une famille, à une nation ou à une communauté de destin me semble contradictoire aux nécessités d’une pensée émancipatrice. Dire, à voix haute son opinion, n’est jamais une traitrise. Penser le monde en terme de camps, de contradiction principale et secondaires, est déjà un renoncement, toujours une insulte au futur. Comprendre ce que nous ne faisons pas éclaire cependant les difficultés à se joindre aux possibles, à rendre vivantes les espérances d’émancipation…



Reste des livres, des poèmes, des pièces de théâtres, des compositions musicales, des pensées philosophiques et politiques qui sont le patrimoine de l’humanité et qui pourraient se révéler précieux pour un avenir plus vert, rouge, noir et violet…



Au final, un ouvrage pour que des vies d’être humains ne soient ni noyées ni oubliées dans l’écriture de l’histoire par les vainqueurs actuels…
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Une vie contre une autre

Un nom rayé sur une liste signifiait la mort pour celui qui le remplaçait

En prologue, un récit, celui de Zacharias Zweig, enfant survivant du camp de Buchenwald.



Longtemps après, un juge…



Dans son introduction, Sonia Combe indique : « Nous sommes, nous aussi, dans la situation du second juge : nous n’arrivons pas à comprendre. Pourquoi faire porter le poids de la responsabilité des circonstances de son sauvetage à une personne qui n’y est pour rien ? N’est-ce pas suffisant d’avoir passé sa petite enfance en camp de concentration sans se voir, soudain, comme reprocher la mort d’un autre ? Cette incompréhension est à l’origine de la présente recherche ».



Un fait connu, l’échange de victime dans les camps nazis. Entre les faits et les savoirs, les écritures de l’histoire. L’éclairage mis, en fonction des changements socio-politiques et/ou idéologiques, sur telle ou telle donnée… et des jugements moraux à géométrie variable, dans l’oubli le plus souvent des contradictions internes à toutes les situations sociales.



« Cet essai a un double objectif :



évaluer dans quelle mesure la substitution d’une personne à une autre a pu faire partie des modalités de survie dans les camps de concentration ;



interroger la réécriture du rôle de la résistance anti-fasciste à laquelle la pratique de l’échange a conduit à la suite de la consultation d’archives accessibles après la réunification de l’Allemagne ».



Je voudrai rappeler que les « alliés », n’hésitant pas à frapper aveuglement les populations civiles, par exemple la destruction de Dresde, n’ont jamais bombardé ni les camps de concentration, ni les camps d’extermination, ni les voies de chemin de fer y arrivant.



A partir de 1942-1943, les prisonniers politiques, le plus souvent membres du parti communiste allemand, ont assuré les fonctions de Kapos, après avoir « supplantés » les prisonniers de droits communs qui les exerçaient antérieurement. Ces fonctions impliquaient la répartition de main d’oeuvre vers les lieux de travail ou les camps extérieurs, la composition des convois destinés à Auschwitz puis à Bergen-Belsen, convois vers les chambres à gaz, vers la mort.



Nous sommes ici dans la « zone crise » du fonctionnement de l’industrialisation de l’enfermement et de la mort, loin des écritures héroïsant les Résistances.



L’auteure parle des sources des historien-ne-s, de la place des récits, ces « sources testimoniales » appréhendées avec méfiance, des hiérarchies entre groupes dans l’univers concentrationnaire, des questions de choix « dans les conditions extrêmes », de la différence entre camp de concentration et camp d’extermination, de la non-homogénéité de cette société concentrationnaire, de ces prisonniers politiques pouvant « être considérés comme les figures paradigmatiques de la « zone grise » de Primo Levi ».



Sommaire :

Première partie : Buchenwald, laboratoire de la « zone grise »

Chapitre I : Les acteurs et les lieux de l’échange

Chapitre II : Stratégies individuelle et collective de survie

Chapitre III : Le sentiment de culpabilité : un « psychomonstre » ?

Chapitre IV : Situations de « choix sous contrainte » et de non-choix

Deuxième partie : Buchenwald dans les usages politiques du passé

Chapitre I : La patrimonialisation de Buchenwald

Chapitre II : Procès de Moscou et d’ailleurs

Chapitre III : La « fin de l’histoire » à Buchenwald



En conclusion, Sonia Combe revient sur la révision de l’histoire, sur la remise en cause de l’antifascisme comme engagement majeur, antifascisme non réductible à son écriture faussaire officialisée en RDA. Les révisions ne sont pas neutres, elles peuvent être critiques des mythifications antérieures et /ou constructions de nouvelles idéalisations ou dénis. L’auteure parle aussi des souvenirs traumatiques à l’origine « d’un sentiment de culpabilité gravé dans la mémoire », d’usurpation d’un combat, de choix inévitable, « Il était impossible de sauver tout le monde. Il n’y avait pas d’autres choix que de procéder à un choix. Le choix n’était justifié que parce qu’inévitable ». Reste que certains présupposés de certains choix restent discutables, comme présupposés, car relevant d’orientation « humaine », « sociale » ou « politique », même dans les conditions les plus extrêmes.



S’il faut combattre les récits mythifiés, il convient de faire une distinction « entre les faits et leur instrumentalisation ». Buchenwald, les camps de concentrations, les camps d’extermination, le travail de deuil n’est pas achevé. Mais peut-il en être autrement ?



« De ce point de vue Buchenwald doit être appréhendé non pas seulement comme un camp de concentration allemand, mais comme un lieu de mémoire européen où se retrouvèrent des combattants du nazisme de tous les pays ».



Contre les idéalisations et les mystifications, un livre important sur les reconfigurations des mémoires, sur les écritures de l’histoire, sur « le regard surplombant du vainqueur de l’histoire », sur les usages politiques du passé. Nous n’en avons fini ni avec la barbarie européenne, ni avec le nazisme ni avec le stalinisme.



Et une invitation à lire ou relire les ouvrages, les témoignages des « survivant-e-s ».




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Archives et histoire dans les sociétés postco..

« L’ouverture du passé veut aussi dire que les soi-disant "jugements de l’histoire" n’ont rien de définitif ni d’immuable. L’avenir peut rouvrir des dossiers historiques "fermés, "réhabiliter" les victimes calomniées, réactualiser les espérances des aspirations vaincues, redécouvrir des combats oubliés, ou jugés "utopiques", "anachroniques" et "à contre courant du progrès’‘. Dans ce cas de figure, l’ouverture du passé et celle de l’avenir sont étroitement associés. »



L’ouverture des archives, même si elle n’est que partielle, permet de revisiter d’anciennes analyses ou de les compléter. Elle permet de questionner l’usage des dossiers des polices politiques. Sur ce sujet, je souligne l’article de Sonia Combe « Usage savant et usage politique du passé », illustré, entre autres, d’appréciations autour du film « La vie des autres » et l’entretien de Thomas Lindenberger « Des dossiers de police à l’histoire sociale de l’Allemagne ».



Parmi les multiples sujets, outre les réflexions sur la nature et l’utilisation possible des archives et les relations État-Parti, j’ai particulièrement été intéressé par les articles autour des pénuries de nourriture « Une histoire sociopolitique de la viande » de Dariusz Jarosz et « Viande et questionnaires » d’Andrea Petö; et le court article de Serguei Krasilnikov « Les groupes marginaux dans la société stalinienne ».



Je me souviens des livraisons de charbon à l’Espagne franquiste, lors de la grève des mineurs, par les pays du communisme réellement existant (le choix de l’aide à une dictature contre les ouvriers). Le livre rappelle une ignominie de plus « En octobre 1958, la Pologne proposa à la France de ne pas reconnaître le gouvernement insurrectionnel de Ferhat Abbas constitué par le FLN si la France reconnaissait officiellement sa frontière occidentale.»



Les articles de la partie « La Shoah à l’est » reviennent sur l’universalisation des victimes (polonais, russes, etc) masquant leur destruction en tant que juifs, la résistance, tant déniée, des juifs en URSS, les massacres des Einzatsgruppen en Ukraine, les participations des populations aux massacres et le rôle minimisé, lorsqu’il n’est pas nié, de la Wehrmacht. La construction d’une mythologie antifasciste a gommé bien des réalités et des responsabilités.



Cet ouvrage pose aussi le « problème de l’histoire comme discipline autonome » et nous incite à approfondir les recherches sur le fonctionnement et l’histoire de ces pays. Le mur et bien des masques sont tombés, reste encore et toujours à décortiquer et expliciter les constructions sociales.
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Une vie contre une autre

Cette histoire emblématique sert de fil à Sonia Combe pour une étude qui bouleverse nombre d’idées reçues et de postures manichéennes.
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