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Citations de Sophie Jabès (4)


Tu n'es pas belle, il faut donc que tu sois ... gentille, je ne vois pas d'autre mot, mais alors très gentille avec les hommes.
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L'abricot se tenait coi. Il n'aimait pas ces moments là. Ces moments de douleur: de grande désespérance. Il gisait sur le parquet, tremblant, espérant l'accalmie.
Clémentine le fixait sans noter sa présence. En absence.
Elle aurait voulut naître autre. Différrement. Perdait son courage et son entrain. elle se démaquillait le visage et songeait: "Quand cette vie s'arrêtera-t-elle enfin?"
Elle s'assit.
Réfléchit.
Avec à ses pieds, l'aubergine farcie. Elle lui murmurait:
-Je ne te quitterai jamais.N'oublie pas, je suis ton amie.
Clémentine levait les yeux au ciel. Préférait se taire que vexer le bout de chair.
Dans la pièce vide, le clitoris ballant, Clémentine ne savait que décider.Perplexe et pourtant sûre de sa glorieuse destinée.
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[ Incipit ]

Au début, il y avait les jambes d'Alice. Fines. Fuselées. Cousues main. Aristocratiques. Sans une ombre de graisse. Des jambes élégantes, lisses, vraiment douces, des jambes qui miroitaient au soleil, satinées, des jambes de gazelle. Des mollets effilés en longueur et des cuisses qui s'élançaient sans complexe, sans retenue, sans pudeur. Elles fusaient vers un ventre plat, ferme, dur, un ventre qui n'en était pas un. Un creux plutôt entre les côtes et sous une poitrine abondante et bien charpentée. Des bras minces presque sans limites, et des poignets fragiles que l'on n'osait toucher de crainte de les briser. Alice avait un corps de rêve qui faisait bander les jeunes gens qui flânaient près de la gare de Termini et ceux qui sirotaient affolés leur cappuccino, piazza Navona.

Alice faisait bander les jeunes bruns, les vieux frisés, les pleins de pasta alla carbonara et de penne all'arrabiata. Les blonds aussi la regardaient, perchés sur leur moto, les yeux rivés sur ses seins et sur ses cuisses qu'ils auraient voulu emporter au loin.

Alice ne se laissait pas toucher. Regarder, oui. Mais toucher, non. Elle seule avait le droit de caresser sa peau douce et tendue qu'elle admirait pendant de longues heures devant la glace. Elle en scrutait chaque recoin, et elle devait bien l'admettre, elle se trouvait parfaite, absolument parfaite. Elle adorait le creux entre ses deux cuisses, le galbe de ses mollets et le marron glacé de ses mamelons. Elle avait beau chercher, tout était à sa place, comme béni par la main de Dieu...
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PREMIER ACTE.

(Sur un banc, Camille, femme édentée toute ratatinée avec un chapeau à la main dont jaillit une marguerite.
Un grand silence. Des chants d'oiseaux. La femme est immobile. On attend un long moment. Elle remet son chapeau de ses mains ridées. Fait un petit signe de la tête comme si elle avait reconnu quelqu'un et l'avait salué. Elle garde le regard fixe. Les deux mains appuyées sur une canne.)

CAMILLE : Te voilà enfin. Je t'ai tant attendue. Et si longtemps. (Petit rire) Je savais bien que tu finirais par venir. Je sais que tu n'es pas mauvaise au fond. Oui je le sais. Je suis si contente que tu sois là. Viens, assieds-toi. Près de moi. Pourquoi restes-tu debout ? Ça me fait mal à la tête de te voir debout. J'ai des vertiges, tu sais. On ne mange pas bien, ici. Pas bien du tout. Je ne mange pas bien. Je ne dors pas non plus. Toutes ces nuits à t'attendre. A regarder le ciel et à t'attendre. J'avais froid. On a froid ici. Je t'ai écrit que j'avais froid. Tu ne m'as jamais répondu. Pourquoi tu ne m'as jamais répondu ? Pourquoi ?

Pourquoi moi, Camille, je ne reçois pas de réponse de sa mère, jamais ? Si lui, lui, avait été enfermé ici, si c'était lui à ma place, tu serais venue plus tôt ? Tu lui aurais répondu ? (En haussant les épaules) Tu serais venue, c'est sûr, lui c'est un poète, il écrit des pièces de théâtre, il parcourt le monde, il n'est pas fou, lui, pas comme moi.... ou plutôt, lui il a le droit d'être fou. Et pas moi. Lui a le droit d'être fou dehors. Et pas moi dedans. Moi je n'ai pas le droit d'être folle, ni dehors ni dedans.

Cela fait trente ans que tu, que vous m'avez abandonnée. Mon Dieu, oui Mon Dieu, pourquoi m'avoir abandonnée ? Je n'avais rien fait de mal, rien du tout. (En chuchotant) J'ai juste aimé. C'est beau d'aimer. Je croyais qu'il suffisait d'aimer. C'est beau d'aimer. C'est doux. Il n'est pas donné à tout le monde d'aimer. Il y a ceux qui ont le coeur sec, ceux-là ils ne savent pas ce que c'est "aimer". Aimer. Donner. Partager. J'ai donné mon corps, j'ai donné mon âme. J'ai donné mon art. On m'a tout pris. Lui. Lui, celui qui ne vient plus. Celui qui ne me prend plus dans ses bras, celui qui m'a reniée par trois fois, celui qui a tout pris et qui a froissé ce "tout" dans ses gros doigts. Assieds-toi, je t'en supplie. Tu me donnes le tournis, à rester plantée là, à me regarder. Il n'y a rien à voir. Une vieille femme édentée. (Elle ouvre la bouche) Tu vois, je n'ai presque plus de dents. Ça aussi il me l'a pris. Il a vendu mes dents au marché. Tu ne me crois pas ? Pourtant, c'est la vérité. Je dormais, c'était au printemps de l'année dernière, ou de l'année d'avant. Je ne sais plus, ici, le temps... quelle importance ? Je dormais. Il croyait plutôt que je dormais. La vérité, c'est que je ne dors jamais. Je guette. Je guette si quelqu'un veut venir me tuer. Si quelqu'un veut percer mon flanc pour voir mon sang couler. Si quelqu'un veut s'assurer que mon sang est rouge, rouge sang... (Elle rit de nouveau) Mon sang est rouge, ils n'ont qu'à me le demander, je leur dirai à tous ces gueux que mon sang est rouge. Bien sûr qu'il est rouge mon sang. Ce n'est pas de la pisse mon sang. C'est du sang. C'est du vrai sang qui coule dans mes veines. Pour combien de temps ?
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