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Citation de Toocha


Mon père était là, revenu parmi moi. Il souriait comme un imbécile, levait mon verre à son reflet. Il prenait des poses de sobre. Il titubait. Il faisait peine. Il avait renoncé à sa guerre, à l'Espagne, à la République, à la vie. Il était parti sur nos chemins d'hiver, des cailloux et de la terre en poche. Il voulait mourir en mer, il est mort en bas-côté. Il avait convoqué les mouettes, la police a chassé les corbeaux. Il n'avait plus rien, ni du père, ni du combattant. Il n'était qu'un tas de hardes mêlées au givre.
Alors j'ai renoncé à mourir. A vivre aussi. Je serais ailleurs, entre ciel et terre. Je les emmerdais tous ! Les Brits, l'IRA, ces donneurs d'ordre ! Je n'en pouvais plus de cette guerre, de ces héros, de cette communauté étouffante. J'étais fatigué. Fatigué de combattre, de manifester, fatigué de prison, fatigué de clandestinité et de silence, fatigué des prières répétées depuis l'enfance, fatigué de haine, de colère et de peur, fatigué de nos peaux terreuses, de nos chaussures percées, de nos manteaux de pluie mouillés à l'intérieur. Séanna mon frère me hurlait aux oreilles. Je reprenais mot à mot ses slogans désarmés. Qu'est-ce qu'elle avait fait pour moi, la République ? Les beaux, les grands, les vrais, les Tom Williams, les Danny Finley, étaient morts avec notre jeunesse ! Enterrés avec nos livres d'histoire, Connolly, Pearse, tous ces hommes à cravate et cols ronds ! Nous étions des copistes, des pasticheurs de gloire. Nous rejouions sans cesse les chants anciens. Nous étions d'âme, de chair et de briques, face à un acier sans cœur. Nous allions perdre. Nous avions perdu. Et je ne ferais pas à l'Irlande l'offrande d'une autre vie.
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