AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de araucaria


Longtemps, Jacques Rougeron a cru qu'il était seul à tenir un cahier à mots. Il n'en avait jamais parlé, mais ne le cachait pas. Il ne l'emportait nulle part. Il le laissait dans sa chambre, ouvert sur son bureau aux derniers mots appris. Un jour d'été, blessé à la cuisse, il a cherché une planche anatomique dans le dictionnaire de maman Rougeron, dessiné le membre dans son cahier puis recopié le nom des nerfs, des veines, des muscles, de tout ce difficile à prononcer.
Iliaque, aponévrose, couturier, saphène, tenseur, crural.
Ensuite, il s'est levé et il a commencé à répéter chaque mot à voix haute sans entendre papa Rougeron qui entrait.
- Ccrru... ccrru... crrurr... crruuurral, disait Jacques en moulinant sa main.
- Tu révises quoi? lui a demandé papa Rougeron.
Il a sursauté. Il a laissé tomber son cahier. Il l'a ramassé. Il l'a posé sur son bureau en disant qu'il révisait la cuisse.
- La cuisse?
Il a dit oui, la cuisse. Et il a expliqué qu'il notait tous les mots difficiles.
Papa Rougeron a regardé son fils. Il a souri. Il est sorti sans parler. Il est allé dans sa chambre. Il est revenu avec un grand cahier de cuir rouge, fermé par deux lanières effrangées. Il s'est assis sur le lit de Jacques. Jacques s'est assis à son côté. Papa Rougeron avait un cahier à mots. Pas un cahier de bègue, un cahier d'ouvrier. Un cahier pour ceux qui n'ont pas été à l'école. Un cahier de pauvre. Un cahier pour apprendre. Un cahier pour savoir ce que les autres savent.
Commenter  J’apprécie          200





Ont apprécié cette citation (19)voir plus




{* *}