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Citation de NMTB


NMTB
19 décembre 2014
S’il se concevait (je ne l’ai pas admis) qu’un lecteur eût lu ce livre jusqu’ici (je ne l’ai pas pensé, sinon je n’aurais pas écrit cela), et s’il parlait à d’autres de sa lecture, certains de mes compatriotes diraient peut-être : ne faites pas attention à cet écrivain, ne l’écoutez pas, c’est un séducteur. Et l’un d’entre eux poursuivrait peut-être en ces termes : « On rattache d’ordinaire l’idée de séducteur à celle de la femme, et même alors, on le représente le plus souvent rusé et dissimulé dans le déchaînement d’une passion démoniaque. Mais ce n’est pas l’espèce dangereuse de séducteur, même pour la femme. Non, je me représente le séducteur sous la figure d’un jeune homme doué de beaucoup d’imagination et intelligent. Il ne recherche pas la faveur des femmes, et cette indifférence n’est pas le masque d’une passion secrète, loin de là ; il ne court pas après les filles ; il est un rêveur. Il ne va pas au bal avec les belles, il est très arriéré à ce sujet ; il a sa place au boudoir près de la salle de danse, et dans un coin du salon. Quand les jeunes filles sont un peu lasses de danser, ou quand le crépuscule tombe à la fin du travail, quand la pensée devient vagabonde, son heure est alors venue et il est à son poste. Elles l’écoutent, son imagination lui permet de les entraîner vers les idéals séduisants et, tout en parlant, de tendre les aspirations de l’âme et l’anxiété des pressentiments. Lui-même, il ne convoite rien. Et de nouveau elles recherchent le plaisir de la danse, ou reprennent leurs occupations ; mais en secret, elles se laissent porter par ses discours élevés et elles soupirent après le moment où elles pourront encore s’abreuver de l’enchanteresse illusion. Pour lui, il reste le même, car il n’a de joie que celle de la parole, et de désir que celui de la pensée tendue vers l’idéal. Quand il se tait, il lui semble qu’une profonde tristesse règne en son âme ; il se croit en sa mélancolie semblable à un vieillard aveugle que la parole, comme un enfant, conduit dans la vie. Les jeunes filles l’écoutent, séduites peu à peu ; vainement elles cherchent l’idéal qu’il a décrit ; elles ne le trouvent ni en elles, ni en lui, mais elles attendent le moment d’entendre sa parole et vieillissent en l’écoutant. Et quand leur vieille tante leur disait un peu plus tôt : « Attention, mes petits enfants, ne l’écoutez pas, c’est un séducteur », elles répondaient en souriant : « Lui, le meilleur homme du monde ! Il est si prévenant, si réservé ; on dirait qu’il ne nous voit pas ou qu’il a peur de nous ; et il parle si bien, il dit de si belles choses ! » Un pareil séducteur peut être un poète […] Laissez-le pour ce qu’il est, railleur et rêveur à la fois, bourgeois au total, trompeur, pure négation. Si vous faites ainsi, il cesse d’être séducteur. » Ah ! Ah ! Ah ! Quelle chance de ne pas avoir un lecteur qui lise jusqu’au bout.
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