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Citation de Nastasia-B


Une variante de l'expérience de base décrit un dilemme plus courant que celui que nous venons de présenter : le sujet ne recevait pas l'ordre d'abaisser la manette commandant la décharge électrique, mais simplement d'accomplir une action secondaire (faire passer le test d'apprentissage à l'élève) tandis qu'un autre participant se chargeait de la manipulation du stimulateur. Dans cette condition expérimentale, sur quarante adultes de l'agglomération de New Haven, trente-sept ont continué jusqu'au niveau de choc le plus élevé. Vraisemblablement, ils excusaient leur conduite en se disant que la responsabilité incombait à celui qui actionnait la manette. Cet exemple illustre une situation dangereuse qui caractérise toute société complexe : sur le plan psychologique, il est facile de nier sa responsabilité quand on est un simple maillon intermédiaire dans la chaîne des exécutants d'un processus de destruction et que l'acte final est suffisamment éloigné pour pouvoir être ignoré. […] Il y a ainsi fragmentation de l'acte humain total ; celui à qui revient la décision initiale n'est jamais confronté avec ses conséquences. Le véritable responsable s'est volatilisé. C'est peut-être le trait commun le plus caractéristique de l'organisation sociale du mal dans notre monde moderne.
Le problème de l'obéissance n'est donc pas entièrement psychologique. La forme et le profil de la société ainsi que son stade de développement sont des facteurs dont il convient de tenir compte. Il se peut qu'à une époque, l'individu ait été capable d'assumer la pleine responsabilité d'une situation parce qu'il y participait totalement en tant qu'être humain. Mais dès lors qu'est apparue la division du travail, les choses ont changé. Au-delà d'un certain point, l'émiettement de la société en individus exécutant des tâches limitées et très spécialisées supprime la qualité humaine du travail et de la vie. L'individu ne parvient pas à avoir une vue d'ensemble de la situation, il n'en connaît qu'une parcelle et se trouve donc dans l'incapacité d'agir sans directive émanant de l'autorité supérieure. Il se conforme à la volonté de celle-ci, mais de ce fait, il se désolidarise de ses propres actions.
George Orwell a capté l'essence même de cette situation dans le passage suivant :
« Tandis que j'écris ces lignes, des êtres humains hautement civilisés passent au-dessus de ma tête et s'efforcent de me tuer. Ils ne ressentent aucune hostilité contre moi en tant qu'individu, pas plus que je n'en ai à leur égard. Ils se contentent de " faire leur devoir ", selon la formule consacrée. La plupart, je n'en doute pas, sont des hommes de cœur respectueux de la loi qui jamais, dans leur vie privée, n'auraient l'idée de commettre un meurtre. Et pourtant, si l'un d'eux réussit à me pulvériser au moyen d'une bombe lâchée avec précision, il n'en dormira pas moins bien pour autant. »

Chapitre I : Le dilemme de l'obéissance.
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