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Citation de Woland


[...] ... Première question : en admettant, d'accord avec la morale bourgeoise, l'idée de faute si Marie-Antoinette s'est donnée complètement à Fersen, qui l'accuse de ce don complet ? Parmi ses contemporains il n'y en a que trois, des hommes d'importance, il est vrai, et non de vulgaires bavards ; ce sont même des initiés à qui on peut reconnaître une connaissance parfaite de la situation : Napoléon, Talleyrand et Saint-Priest, le ministre de Louis XVI, ce témoin quotidien de tous les événements de la cour. Tous trois soutiennent sans réserve que Marie-Antoinette a été la maîtresse de Fersen, et ils le font de façon à ne laisser aucun doute. Saint-Priest, le plus au courant de la situation, est le plus précis dans les détails. Sans animosité contre la reine, parfaitement objectif, il parle des visites nocturnes de Fersen à Trianon, à Saint-Cloud et aux Tuileries, dont l'accès secret avait été permis par La Fayette à Fersen seul. Il parle de la complicité de la Polignac, qui paraissait fort approuver que la faveur de la reine fût tombée justement sur un étranger, qui ne chercherait à tirer aucun avantage de sa situation de favori. Ecarter trois témoignages de cette importance, comme le font les défenseurs enragés de la vertu, accuser de calomnie Napoléon et Talleyrand, il faut pour cela plus d'audace que pour un examen impartial. Mais, deuxième question : quels sont les contemporains ou témoins d'après qui accuser Marie-Antoinette d'avoir été la maîtresse de Fersen serait une calomnie ? Il n'y en a pas un. Et il est à remarquer que les intimes évitent justement, avec une singulière unanimité, de citer le nom même de Fersen : Mercy, qui pourtant retourne trois fois chaque épingle à cheveux de la reine, ne mentionne pas une seule fois son nom dans les dépêches officielles ; les fidèles de la cour ne parlent jamais, dans leur correspondance, que "d'une certaine personne", à qui on aurait confié des lettres. Mais personne ne prononce son nom ; une conspiration du silence suspecte règne à son sujet pendant tout un siècle, et les premières biographies officielles oublient de propos délibéré de le citer. On ne peut donc pas se défendre de penser qu'un mot d'ordre a été donné après coup, afin que soit oublié aussi radicalement que possible ce destructeur de la romantique légende de la vertu absolue. ... [...]
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