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EAN : 9782382924808
506 pages
Robert Laffont (05/10/2023)
  Existe en édition audio
4.38/5   1758 notes
Résumé :
Qui était Marie-Antoinette, faite, l'année de ses quinze ans et par raison d’État, reine de France ? Une débauchée futile piégée dans l'affaire du collier ? La pire ennemie de la Révolution ? Une sainte pour la Restauration ? Marie-Antoinette rétablit la courbe d'un destin obscurci par la passion ou la honte posthumes. Zweig analyse la chimie d'une âme qui, sous le poids du malheur et de l'Histoire, se révèle à elle-même et se rachète, passant de l'ombre de la jouis... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (207) Voir plus Ajouter une critique
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Prodigieux! Coup de coeur absolu❤️
Je n'avais jamais lu le Stefan Zweig biographe je peux désormais dire qu'il en est un de génie. J'ai terminé ce livre le coeur serré. Complètement soufflée. Sacha Guitry disait « lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui » je peux appliquer cette citation à Zweig. Je suis restée longtemps prostrée dans le silence imprégnée de ses mots, chavirée par la puissance de son souffle romanesque, pensant à Marie Antoinette, à sa destinée tragique, et aux heures sombres de l'Histoire… Zweig n'est pas historien mais il insiste sur la véracité de ses propos qui s'appuient sur un solide travail d'archives.
Dans ce récit épique il dissèque les raisons du glissement vers l'impopularité de cette reine admirée et acclamée avant d'être clouée au pilori. Sous sa plume Marie-Antoinette devient une véritable héroïne de roman. Les faits historiques sont passionnants car dignes d'une grande tragédie mais le vrai intérêt de cette biographie c'est leur liant: le style de Zweig. Ses mots, sa poésie font toute la différence. Il introduit une dimension psychologique chez son personnage, se met dans sa peau et nous permet de la comprendre et d'éclairer sa trajectoire. Il lui donne une âme et c'est bouleversant. On suit la reine de son arrivée à la cour de Versailles jeune Dauphine frivole et impétueuse à la reine déchue.
Versailles comme si vous y étiez!
Alors très mondaine, elle « tourbillonne jupes au vent », enviée et admirée, dans les jardins de la cour sans la retenue exigée. Elle et son époux Louis XVI roi « sans nerfs » mou, indécis et indolent n'écoutent pas leurs conseillers et délaissent les affaires ainsi que le peuple au profit de loisirs superficiels et dispendieux.
Installée au petit Trianon elle s'entoure de personnes douteuses.
Le feu couve sous la cendre. Victime de manoeuvres politiciennes, de cabales, d'intrigants et factieux elle avance sans le savoir sur le chemin noir de la destinée.
Le tocsin de la révolte ne tarde pas à sonner et oblige le couple royal à quitter sa demeure et rejoindre les Tuileries après la prise de la bastille et l'assaut de Versailles, abandonnés de tous. Seul reste auprès de M.A son favori avec qui elle entretient une romance forte et touchante: Hans Axel de Fersen. le récit est foisonnant et palpitant avec ses maintes intrigues comme l'affaire du collier ou celle de l'oeillet. Les scènes de l'assaut de Versailles et des Tuileries, les nombreux plans de fuites (à Varennes notamment) du couple relèvent d'un très bon polar, on lit leurs péripéties le coeur battant. Emprisonné au Temple, Louis XVI sera guillotiné, sa mort mettant fin à 10 siècles d'autocratie. La reine, transférée à la prison de la conciergerie, fera l'objet des pires calomnies et sera condamnée à mort sans preuves. le récit du procès est mémorable tout comme les derniers moments déchirants de Marie Antoinette en prison avant l'échafaud privée de ses enfants, tout comme sa dernière lettre écrite à quelques heures de son exécution ou comme les extraits des lettres de Fersen qui l'aimait profondément. Celle qui fut « déesse de la grâce et du goût » terminera mutilée, jetée sans pitié dans la fosse commune et presque aussitôt dans l'oubli. La fin est poignante. Cette biographie sublime impossible à lâcher m'a captivée autant que bouleversée ce livre rejoint mon panthéon littéraire.
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Stefan Zweig - Marie-Antoinette - 1933 : En plus d'être l'oeuvre d'un des plus grands écrivains du 20°siecle, cette biographie était aussi une formidable mise en situation psychologique de personnages qu'on avait jusque-là trop souvent étudiés superficiellement. Il fallait en savoir beaucoup sur l'être humain et ses ressorts pour faire une analyse aussi pointue de l'existence de Marie-Antoinette. Jeune femme élevée dans du coton, maintenue dans une certaine ignorance par une éducation délétère, caractérisée par une absence de gout pour les choses littéraires (Elle n'aurait quasiment jamais ouvert un livre de sa vie) et adepte des réjouissances et des fêtes, Marie-Antoinette se retrouvait bombardé à quinze ans reine de France. À ses côtés l'époux que la providence lui avait choisis n'était qu'un gros garçon timide dévoré par l'incertitude et par la peur d'embarrasser les autres. Louis XVI trimbala toute sa vie une timidité maladive et une paralysie au moment de décider qui se ressentira tragiquement à l'heure des choix cruciaux de son règne. de plus son incapacité pendant sept ans à honorer sa jeune épouse lui vaudra d'être toute sa vie en infériorité et redevable à cette reine dont tout le monde à l'époque ventait l'allure et la beauté. Alors que le roi fidèle à son caractère s'enlisait dans des actions que lui dictait la fange la plus extrémiste de la noblesse (Prélèvement d'Impôts supplémentaires, renforcement de certains privilèges) il emmenait de l'autre coté la France à la ruine dans une aventure américaine encouragée par les sujets les plus libertaires de sa cour. Incapable de faire les reformes qui auraient pu améliorer le sort de ses peuples, ravagé par la douleur d'avoir perdu son fils ainé pendant des états généraux qui actèrent les vrais débuts de la révolution, Louis XVI à aucun moment ne sut imposer une volonté qui aurait pu sauver l'essentiel de la royauté. Pendant ce temps Marie-Antoinette promenait sur la vie une insouciance qui lui valut très tôt la haine des français excités par les nombreux pamphlets et caricatures qui circulaient jusqu'au coeur du château de Versailles. Difficile à cette époque de trouver des excuses à cette femme qui se complaisait dans un statut de fashion victime habituée à ce que chacun de ses caprices soient exécutés. Elle n'était bien sûr pas responsable du déficit de la France comme on a pu le dire à l'époque mais les injustices liées à la misère et aux impôts faisaient passer ses dépenses comme autant de provocations. Responsable en partie moralement de la situation tendue qui amena les parisiens à prendre la Bastille, Marie-Antoinette trouva dans les épreuves subies la force qui fit enfin d'elle une souveraine. Stefan Zweig disséquait avec un implacable réaliste les évènements marquants de sa vie sans rien omettre de ses torts ou de ceux de son entourage. Il donnait une vision unique des moments les plus controversés d'une existence dédiée pendant longtemps à ses seuls plaisirs personnels. L'affaire du collier, sa liaison amoureuse avec le comte de Fersen, la construction et l'entretien de son hameau au petit Trianon, autant d'épisodes que l'illustre écrivain nous faisaient vivre de l'intérieur montrant la femme dans son plus simple appareil. Tout n'était pas négatif non plus dans ce récit qui soulignait aussi la simplicité de ce couple royal foncièrement bienveillant mais qui eut la malchance de ne pas être à sa place dans ce siècle. La deuxième partie du livre qui abordait les heures sombres de la révolution était la plus intéressante, elle dénouait avec une rare véracité le drame sous-jacent qu'on ressentait dès le début de la lecture. Dans l'emprisonnement, lors de son procès, lors de sa mort même Marie-Antoinette su enfin montrer la grandeur d'âme et l'empathie qui lui manquèrent tant durant sa vie… une des plus belles biographies historiques jamais écrite
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De son arrivée en France, jeune adolescente autrichienne admirée par le peuple, à sa fin sur l'échafaud en reine détestée, Stefan Zweig s'attache à réhabiliter Marie-Antoinette sans taire ses erreurs. Il relate ainsi, en détail, sa trop grande distance avec le roi, ses dépenses faramineuses, son amour passionné pour le comte Axel de Fersen ou l'affaire du Collier. Mais il montre aussi que Marie-Antoinette, la belle frivole, dépensière, joueuse et insoumise reine de France s'est révélée à la fin de sa vie (un peu trop tard, il est vrai) une femme réfléchie, courageuse et profonde.

Une excellente biographie de Marie-Antoinette, brillante et documentée, dans laquelle Zweig analyse à la perfection la psychologie de son personnage. Dans ce récit passionnant de la fin d'une époque et d'une vie hors du commun, on comprend aussi les enchaînements qui ont conduit à une mauvaise évaluation des situations et à la prise de funestes décisions.
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Elle n'a pu maîtriser son destin en raison de sa naissance, peut-être au mauvais moment, peut-être au mauvais endroit. Elle était une enfant lorsque l'on négocia son union avec le Dauphin de France. Pas de choix possible quand il s'agit de politique et de diplomatie. Elle arrive en France à quinze ans, on l'oblige alors à oublier son enfance, à quitter sa famille et c'est en pleurs qu'elle arrive à la cour de Versailles.


Marie-Antoinette n'a pas plus choisi d'être reine que son époux Louis XVI. Cette jeune fille « évaporée » d'après ce qu'écrit Marie Thérèse d'Autriche, sa mère, n'a jamais aimé se consacrer aux études, et encore moins se mêler des affaires de l'Etat.

Alors que peut-on lui reprocher ? Ses fêtes galantes ? ses dépenses ? Son envie de vivre ? Hélas oui, c'est bien ce que le peuple lui reprochera, avec de surcroît, quelques erreurs d'appréciation des événements et quelques initiatives dangereuses, ce qui la précipiteront en prison et la mèneront à l'échafaud.


Elle mérite certainement l'indulgence aujourd'hui pour maintes raisons. C'est ce que démontre Stefan Zweig, dans cette brillante biographie sérieusement documentée, passionnant exposé sur l'histoire de cette femme, sur le contexte historique : la société féodale vue du côté des aristocrates, puis la révolution française. j'y ai appris beaucoup, ne connaissant de Marie-Antoinette que ce que l'on a laissé entendre au cours de l'histoire et qui n'est pas toujours vrai (nombre de lettres de sa part étant reconnus comme des faux aujourd'hui).

Je me suis plongé avec délice dans le quotidien de cette dame, attendrie parfois, révoltée souvent : On a bien écrit une déclaration des droits de l'homme en 1789, mais ce ne fut qu'un texte, le pouvoir soudain étant monté à la tête de beaucoup de révolutionnaires, et Marie-Antoinette en a fait les frais et a subi des humiliations, des souffrance morales. Elle a su garder la tête haute et affronter la mort avec dignité.


Destin funeste qui la fit entrer dans l'histoire sans tomber dans l'oubli.
Lien : https://1001ptitgateau.blogs..
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Je ne rajouterai pas un résumé supplémentaire à ceux déjà forts bien écrits, mais je m'empresse de conseiller à ceux dont l'histoire les laisse indifférent de se plonger dans cette biographie de Stefan Zweig. Je suis quasi certaine qu'il saura les réconcilier avec cette matière trop souvent déformée ou restreint, rébarbative dans nos cours scolaires. Ici, en lisant l'histoire de Marie-Antoinette, tout s'éclaire, car l'auteur a su nous livre une réelle biographie simple, allant jusqu'à la psychologie des personnages et leurs regrettables conséquences. On cerne parfaitement bien Louis XVI et son épouse, on compatit aux erreurs de leur jeune règne, mais on déplore que peu de gens soient venus leur inculquer plus de rigueur et de détermination dans leurs fonctions. Marie-Antoinette tout comme Louis étaient des enfants quand ils ont été couronnés. Comment juger des enfants de leur incapacité à maintenir un royaume et donner une vie décente à tous les habitants de France et Navarre. Zweig s'emploie à dire sans juger, les erreurs, les abus, mais aussi la bonté des uns et des autres, les qualités. Tout est dit sans prendre partie.
J'ai découvert une autre facette de ces deux personnages, et je ne peux conseiller à tout étudiant de lire ce livre qui lui offrira sans nul doute une belle lumière sur ces ombres de l'histoire trop souvent truquée par de faux écrits et témoignages.
D'ailleurs l'auteur explique à la fin du livre qu'il s'est appuyé sur des archives authentiques et non des faux, ou des trop nombreux couches de mensonges des uns et des autres.
il va à l'essentiel sous une plume romanesque et très agréable, si ce n'est le tragique destin de cette tranche d'histoire, la lecture est un vrai bonheur et plaisir.
Je suis plus enchantée de découvrir cet auteur dans ce genre car les peu de livres que j'avais lu, m'avaient laissé quelque peu mitigée. J'avais adhéré à sa plume, mais pas au sujet de ses romans.
Je vais de ce pas, rechercher les autres biographies de sa plume.
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critiques presse (1)
LeFigaro
09 janvier 2024
L’histoire selon Stefan Zweig n’est pas savante, mais ses livres sans appareil de notes sont cependant appuyés sur une solide documentation.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (397) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Non moins fatale est l'influence de la défaillance intime de Louis XVI sur le développement moral de Marie-Antoinette. Suivant la loi des sexes, le même trouble provoque chez la femme et chez l'homme des phénomènes totalement opposés. Quand la vigueur sexuelle d'un homme est soumise à des perturbations on voit apparaître chez lui une certaine gêne, un manque de confiance en soi ; quand une femme s'abandonne sans résultat il se produit inévitablement une agitation, une surexcitation, un déchaînement nerveux. Marie-Antoinette, elle, est une nature tout à fait normale, très féminine, très tendre, destinée à une nombreuse maternité, n'aspirant vraisemblablement qu'à se soumettre à un homme véritable. Mais la fatalité veut que cette femme désireuse et capable d'aimer fasse un mariage anormal, tombe sur un homme qui n'en est pas un. Il est vrai qu'au moment de son union elle n'a que quinze ans, que le déséquilibre sexuel de son mari ne devrait pas encore peser sur elle ; qui oserait soutenir qu'il est contraire à la nature qu'une jeune fille reste vierge jusqu'à sa vingt-deuxième année ! Mais ce qui provoque, dans ce cas particulier, l'ébranlement et la surexcitation dangereuse de ses nerfs, c'est que l'époux, qui lui a été imposé par la raison d'Etat, ne lui laisse pas passer ces sept années dans une chasteté entière, c'est que chaque nuit, ce lourdaud, cet empoté s'essaie en vain et sans cesse sur son jeune corps. Pendant des années sa sexualité est ainsi infructueusement excitée, d'une façon humiliante et offensante qui ne l'affranchit point de sa virginité. Il n'est donc pas nécessaire d'être neurologue pour affirmer que son funeste énervement, sa constante insatisfaction, sa course effrénée aux plaisirs, sont les conséquences typiques d'une perpétuelle excitation sexuelle inassouvie. Parce qu'elle n'a jamais été émue et apaisée au plus profond d'elle-même, cette femme, inconquise encore après sept ans de mariage, a toujours besoin de mouvement et de bruit autour d'elle. Ce qui au début n'était que joyeux enfantillage est peu à peu devenu une soif de plaisirs, nerveuse et maladive, qui scandalise toute la cour et que Marie-Thérèse [= mère de Marie-Antoinette et impératrice d'Autriche] et tous les amis cherchent en vain à combattre. Alors que chez le roi une virilité entravée trouve un dérivatif dans le rude travail de forgeron, dans la passion de la chasse et la fatigue musculaire, chez la reine le sentiment, dirigé sur une voie fausse et sans emploi, se réfugie en de tendres amitiés féminines, en coquetteries avec de jeunes gentilshommes, en amour de la toilette et en autres satisfactions insuffisantes pour son tempérament. Des nuits entières elle fuit le lit conjugal, lieu douloureux de son humiliation, et, tandis que son triste mari se repose des fatigues de la chasse en dormant à poings fermés, elle va traîner jusqu'à des quatre ou cinq heures du matin dans des redoutes d'opéra, des salles de jeux, des soupers, en compagnie douteuse, s'excitant au contact de passions étrangères, reine indigne, parce que tombée sur un époux impuissant. Mais certains moments de violente mélancolie révèlent que cette frivolité, au fond, est sans joie, qu'elle n'est que le contrecoup d'une déception intérieure. Qu'on pense surtout à ce qu'elle écrit à sa mère, à ce cri du coeur, quand sa parente, la duchesse de Chartres [= future duchesse d'Orléans et épouse de celui qui deviendra le tristement célèbre "Philippe-Egalité"] accouche d'un enfant mort-né : "Quoique cela soit terrible, je voudrais pourtant en être là." Mettre au monde un enfant, fût-il mort. Sortir de cet état malheureux et indigne, être enfin comme toutes les autres, et non plus vierge au bout de sept ans de mariage. Qui ne voit pas un désespoir féminin, derrière cette rage de plaisir, ne peut ni expliquer, ni concevoir la transformation extraordinaire qui s'opère dès que Marie-Antoinette devient enfin épouse et mère. Aussitôt ses nerfs se calment sensiblement, une autre Marie-Antoinette apparaît : celle de la seconde moitié de sa vie, volontaire, audacieuse, maîtresse d'elle-même. Mais ce changement vient trop tard. Dans le mariage comme dans l'enfance les premiers événements sont décisifs. Et les années ne peuvent pas réparer la moindre déchirure dans le tissu extrêmement fin et hypersensible de l'âme. Les blessures du sentiment, les plus profondes, les moins visibles, ne connaissent pas de guérison complète. ... [...]
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Aucun poète ne saurait imaginer contraste plus saisissant que celui de ces époux ; jusque dans les nerfs les plus ténus, dans le rythme du sang, dans les vibrations les plus faibles du tempérament, Marie-Antoinette et Louis XVI sont vraiment à tous les points de vue un modèle d’antithèse. Il est lourd, elle est légère, il est maladroit, elle est souple, il est terne, elle est pétillante, il est apathique, elle est enthousiaste. Et dans le domaine moral : il est indécis, elle est spontanée, il pèse lentement ses réponses, elle lance un « oui » ou un « non » rapide, il est d'une piété rigide, elle est éperdument mondaine, il est humble et modeste, elle est coquette et orgueilleuse, il est méthodique, elle est inconstante, il est économe, elle est dissipatrice, il est trop sérieux, elle est infiniment enjouée, il est calme et profond comme un courant sous-marin elle est toute écume et surface miroitante. C’est dans la solitude qu’il se sent le mieux, elle ne vit qu'au milieu d'une société bruyante. Il aime manger abondamment et longtemps, avec une sorte de contentement animal, et boire des vins lourds ; elle ne touche jamais au vin, mange peu et vite. Son élément à lui est le sommeil, son élément à elle la danse, son monde à lui, le jour, son monde à elle, la nuit ; ainsi les aiguilles au cadran de leur vie s’opposent constamment comme la lune et le soleil.
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[...] ... Première question : en admettant, d'accord avec la morale bourgeoise, l'idée de faute si Marie-Antoinette s'est donnée complètement à Fersen, qui l'accuse de ce don complet ? Parmi ses contemporains il n'y en a que trois, des hommes d'importance, il est vrai, et non de vulgaires bavards ; ce sont même des initiés à qui on peut reconnaître une connaissance parfaite de la situation : Napoléon, Talleyrand et Saint-Priest, le ministre de Louis XVI, ce témoin quotidien de tous les événements de la cour. Tous trois soutiennent sans réserve que Marie-Antoinette a été la maîtresse de Fersen, et ils le font de façon à ne laisser aucun doute. Saint-Priest, le plus au courant de la situation, est le plus précis dans les détails. Sans animosité contre la reine, parfaitement objectif, il parle des visites nocturnes de Fersen à Trianon, à Saint-Cloud et aux Tuileries, dont l'accès secret avait été permis par La Fayette à Fersen seul. Il parle de la complicité de la Polignac, qui paraissait fort approuver que la faveur de la reine fût tombée justement sur un étranger, qui ne chercherait à tirer aucun avantage de sa situation de favori. Ecarter trois témoignages de cette importance, comme le font les défenseurs enragés de la vertu, accuser de calomnie Napoléon et Talleyrand, il faut pour cela plus d'audace que pour un examen impartial. Mais, deuxième question : quels sont les contemporains ou témoins d'après qui accuser Marie-Antoinette d'avoir été la maîtresse de Fersen serait une calomnie ? Il n'y en a pas un. Et il est à remarquer que les intimes évitent justement, avec une singulière unanimité, de citer le nom même de Fersen : Mercy, qui pourtant retourne trois fois chaque épingle à cheveux de la reine, ne mentionne pas une seule fois son nom dans les dépêches officielles ; les fidèles de la cour ne parlent jamais, dans leur correspondance, que "d'une certaine personne", à qui on aurait confié des lettres. Mais personne ne prononce son nom ; une conspiration du silence suspecte règne à son sujet pendant tout un siècle, et les premières biographies officielles oublient de propos délibéré de le citer. On ne peut donc pas se défendre de penser qu'un mot d'ordre a été donné après coup, afin que soit oublié aussi radicalement que possible ce destructeur de la romantique légende de la vertu absolue. ... [...]
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La messe commence aux sons de l’orgue ; au Pater Noster on tend un baldaquin argenté au-dessus du jeune couple ; alors seulement le roi signe le contrat de mariage, et après lui, selon un ordre hiérarchique soigneusement observé, tous les parents les plus proches. C’est un document prodigieusement long, plusieurs fois plié ; aujourd’hui encore, sur le parchemin jauni, on lit, maladroits et trébuchants, ces quatre mots : Marie-Antoinette-Josepha-Jeanne, péniblement tracés par la petite main de la fillette de quinze ans, et à côté – « mauvais signe », murmure-t-on une fois de plus – une énorme tache d’encre jaillie de sa plume rebelle, et de la sienne seule parmi tous les signataires.
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À un bal de la cour, en 1775, la reine remarque une jeune femme d'une grâce et d'une modestie touchantes, à la silhouette délicate et virginale, au regard bleu d'une angélique pureté ; comme elle ne la connaît pas, elle questionne son entourage et apprend que c'est la comtesse Jules de Polignac. Cette fois, ce n'est pas, comme pour la princesse de Lamballe, une sympathie humaine qui se transforme peu à peu en amitié, mais un intérêt soudain et passionné, un coup de foudre. Marie-Antoinette s'approche de l'étrangère et lui demande pourquoi on la voit si rarement à la cour. La comtesse déclare sincèrement qu'elle n'a pas les moyens de se montrer plus souvent et cette franchise ravit la reine ; quelle âme pure doit avoir cette femme adorable pour oser avouer, dès les premiers mots, avec une aussi attendrissante ingénuité, la honte la plus terrible de ce temps, le manque d'argent ! Ne serait-ce pas pour elle l'amie idéale, cherchée depuis longtemps ? Marie-Antoinette attache immédiatement la comtesse de Polignac à la cour et la comble de privilèges si exceptionnels qu'ils provoquent la jalousie générale : elle se promène publiquement avec elle bras dessus bras dessous, l'installe à Versailles, l'emmène partout et va même une fois jusqu'à transporter toute sa cour à Marly, uniquement afin d'être plus près de l'amie adorée qui est sur le point d'accoucher.

Malheureusement cet être candide et délicat, cet ange ne descend pas du ciel, mais d'une famille lourdement endettée, avide de monnayer la faveur inespérée dont jouit un de ses membres ; les ministres des Finances en savent bientôt quelque chose ! On paye tout d'abord 400 000 livres de dettes, puis la fille de la favorite touche 800 000 livres de dot, le beau-fils est gratifié d'un brevet de capitaine et un an plus tard d'une propriété qui rapporte soixante-dix mille ducats de rente ; on accorde une pension au père, et le mari complaisant, que remplace à vrai dire depuis longtemps un amant, obtient le titre de duc et un des privilèges les plus lucratifs de France, les postes. La belle-sœur, Diane de Polignac, devient, malgré sa triste réputation, dame d'honneur à la cour ; la favorite, à son tour, est nommée gouvernante des enfants de France et son père ambassadeur, en sus de sa pension ; la famille entière nage dans l'opulence et les honneurs et, en outre, comble de faveurs tous ses amis ; bref ce caprice de la reine, cette famille de Polignac à elle seule coûte à l'État un demi-million de livres par an. (...)

La Maintenon, la Pompadour elles-mêmes n'ont pas coûté à l'État plus que cette favorite aux yeux angéliquement baissés, cette douce et modeste Polignac.

Chapitre X. La nouvelle société
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Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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