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Citation de Charybde2


Celui qui m’a donné le tuyau, c’est le grand Black, après le festival Front Stage dans une rutilante maison associative d’Île-de-France orientale. Lotissements coquets et champs de maïs par paquets. Moi, je m’étais contenté du tabouret de bar et du cylindre de lumière unique sur mon corps penché en avant. La boîte à rythmes cliquetait dans le noir derrière moi. Sur ma gratte, les cordes c’était mes tripes, étirées vrillées. J’étais donc dans mon trip. Jusqu’au quatrième morceau. Quand deux-trois mecs avinés ont commencé à faire du chahut et sifflé sous mon nez. Insupportable. J’étais à cran. J’ai abrégé d’un coup de rasoir sur la guitare. Me suis levé et suis sorti de scène. Élimination directe. Tant pis pour le prix, quelques heures de studio royalement offertes. Dans le public, ça couinait. Backstage, j’ai filé des coups de saton dans les murs. Quelques paroles fraîches avec l’organisation, ces enfoirés d’employés municipaux. Je suis quand même allé claquer mes tickets boisson. Je me suis donc fadé le reste de la programmation. Y avait pas de quoi griller un ampli. À part peut-être, ce grand Black au djembé, accompagné d’un bassiste, blanc et borgne. Du blues totalement improbable. Et pas du tout ma tasse de cidre a priori. Vous connaissez la blague. Quelle différence entre un oignon et un djembé ? Ben, quand on coupe un djembé en deux, y a personne qui pleure. Mais faut admettre que ce type s’y entendait pour cogner sa peau de chèvre et vous emporter dans des deltas inconnus avec l’autre bougre. Ça m’a presque surpris. Je l’ai été totalement quand il a déboulé après sa sortie de scène. Se posant comme ça au-dessus de moi. Flippant. Un vrai léopard. D’ailleurs, je sais pas pourquoi mais il dégageait une méchante odeur de félin. Un truc sauvage. J’ai reculé un peu mais j’étais bien sa cible.
— C’était pas mal, mec, ton truc-là. Du texte. De l’âme.
— Hein ?!
— Ouais, on sent que tu en veux. Mais t’as les nerfs fragiles.
— Pfff, ces connards…
— Ces connards c’est ton public. Faut les massacrer sur place, leur planter un clou dans le cœur.
Il voyait bien que j’avais pas trop envie de m’ouvrir à la causette. Mais il m’a tendu une main immense. J’ai serré. C’était froid et lisse.
— J’m’appelle Seth. Dis, t’es prêt à aller jusqu’où pour y arriver ?
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Jusqu’où ?
Sa voix résonnait dure.
— Je sais pas.
— Si, tu sais.
— Jusqu’au bout, putain !
Il me regardait avec un sourire carnassier. J’ai cru lui voir des crocs jaunes et sales dans la demi-obscurité.
— Je m’en doutais. J’ai un truc pour toi.
("Puer le talent")
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