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Citation de Cielvariable


Il était près de minuit lorsque Faustine quitta l’hôtel particulier de la baronne de Saint-Supplix.

En dévalant les marches du perron, elle se sentit fouettée par l’air vif du dehors. L’atmosphère étouffante de la haute société, les effluves envoûtants de la Taffanel lui avaient fait perdre tous ses repères. Elle franchit le porche de l’hôtel et se jeta dans la rue du Temple.

Faustine voulait mettre le plus de distance possible entre elle et le grand monde, celui où Échouart avait voulu l’introduire. Tout, dans ce monde-là, était fait pour exacerber les désirs et les satisfaire au plus vite.

Elle franchit sans encombre les ruelles obscures et tortueuses du Marais et se retrouva dans un Paris flambant neuf : la ville assainie, percée de larges avenues, voulue par l’Empereur et le baron Haussmann. La foule y affluait jusqu’aux heures tardives. Le regard de Faustine fut attiré par les devantures aux miroirs réfléchissants, les globes illuminés qui accrochaient de petites lunes sur les façades.

Le boulevard du Temple fourmillait de bateleurs qui essayaient d’attirer le chaland vers un numéro d’acrobate ou une pantomime.

Sous les porches des immeubles, on dressait des tréteaux à la va-vite, entre un marchand de sucres d’orge et une vendeuse de parapluies.

— Lanterrrne magique, merrrveilles de la nature !

Faustine aperçut un petit homme à la barbe mal taillée. Il n’était pas plus haut qu’un garçon de dix ans. Sa redingote et son chapeau melon lui donnaient une allure élégante, mais uniquement parce qu’il se tenait dans l’ombre d’un porche. Près de lui, une pancarte montrait la nacelle d’une montgolfière survolant Paris.

Elle se souvint que c’était l’époque des premières photographies prises du ciel. Les voyait-on alors dans les spectacles de lanterne magique ? Elle s’arrêta devant le bateleur. Il n’en fallut pas plus pour qu’il la prenne par le coude et la conduise sous le porche.

En même temps, il continuait de crier à tue-tête :

— Ne manquez pas l’occasion de voir Paris d’en haut ! Paris à vol d’oiseau ! On paie d’avance, fit-il à voix basse.

D’un geste d’escamoteur, il prit le sou que lui tendait Faustine.

Au fond du porche, un drap blanc était déployé sur un mur. Une quinzaine de curieux se tenaient là. Les silhouettes indiquaient des hommes et des femmes de tous âges et une jeune fille d’une dizaine d’années qui essayait de se faufiler parmi eux.

Le nabot disparut derrière l’appareil et la projection commença.

Faustine était si captivée par la lanterne qu’elle en oubliait de regarder la toile. Ce n’était pas une de ces lanternes magiques faites de bric et de broc et qui évoquent un tuyau de chaudière. Mais un splendide appareil empilant trois boîtiers d’où jaillissaient des lunettes télescopiques.

— Pousse-toi du cercle, tu gâtes la féerie !
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