Citations de Stéphane Michaka (149)
Le soleil n'est que l'étoile du matin.
Cette impression ne doit rien à la télépathie. Depuis que Lucie m'a sensibilisé à l'importance du coeur, j'ai appris à respecter le silence des humains. La pudeur, la réserve, le non-dit font partie de leurs biens les plus précieux. Si les humains parlent et écrivent beaucoup, ce n'est pas pour que tout soit dit, mais pour que rien ne soit simplifié, mutilé, appauvri. (La mémoire des couleurs , Pocket-Jeunesse, 2018, p.261)
Le fameux antidote détenu par Jade serait-il la lecture ?
depuis que je me suis mis à lire- à lire sans Augmentation-, les pensées des autres ne me parasitent plus. J'ai commencé à mener ma propre vie. (p. 241)
- Tu as rêvé de la ville où tu vivais. Elles se ressemblent toutes sur Circé.
- Pourquoi n'y avait-il pas d'habitants ?
_- ça, je l'ignore. Les rêves ne sont pas un décalque de la réalité. Ils sont des messages cryptés. Une façon pour notre cerveau de dire quelque chose qu'on ne déchiffrera que plus tard. Ou jamais. (p. 113)
- Je ne comprends pas cette répartition tranchée entre Noirs, Blancs, Jaunes. Les pigments des humains sont beaucoup plus variés que la poignée de couleurs qu'ils distribuent à tout le monde.
- Tu as raison. Les humains (...) réduisent tout à quelques catégories. Ca les rassure. Leur esprit a du mal à appréhender les réalités complexes.
Je réalise que les six mille langues qu'on m'a greffées lors du transfert ne rendent pas justice à l'imagination des humains. Ils ont sans cesse besoin de nouveaux mots pour traduire leur expérience. (p. 245)
– Cette goélette vidée de ses occupants est un conte à dormir debout ! s’irrite Finnegan.
– Les histoires de navire fantôme sont plaisantes, concède Randolph.
– Mais elles ne sont que des légendes, tranche Finnegan. Une compagnie d’assurances maritimes n’a que faire des légendes. Elle s’occupe des faits, rien que des faits !
-Fais-lui confiance. Il a soigné des arbres dans une quantité de pays.
- Ah bon ? fait-elle, soudain intéressée.
-Tu devrais voir ses dessins de forêts. Quand on les regarde longtemps, on a l'impression de se perdre à l'intérieur. C'est comme faire un voyage. (p. 77)
André, en revanche, a toujours du temps à me consacrer . Depuis qu'il m'a ramené chez lui après ma chute près de la voie ferrée, il ne compte pas le temps passé avec moi. J'ai l'impression d'être un arbrisseau qu'il a trouvé dans son arrière-cour et dont la croissance lui tient à coeur.
Il est bavard comme pas un mais j'aime l'écouter parler. Ses mots ne sont pas juste des mots, ils éveillent des images. (p. 150)
La chanson commence. Pendant quelques secondes, je suis pris de vertige à l'idée que les objets de la brocante pourraient avoir une fonction secrète, impossible à déceler de prime abord. (...)
Les humains appellent ça l'imagination. (...)
La vie sur Terre réserve bien des surprises. Tandis que sur Circé, les surprises sont des anomalies que les diagnostics systèmes doivent corriger sur-le-champ. (p. 146-147)
- Un atelier ? Pour quoi faire ?
- De la peinture, évidemment. (...) Pardon, ça ne te dit rien bien sûr. Il n'y a pas de peintres sur Circé. Ni d'écrivains ou d'artistes. Mais c'est ce que je fais de mes journées. Avec une palette réduite, la gamme limitée des couleurs terrestres, je peins les toiles que tu vois ici. (...)
-Et ensuite ? A quoi elles servent ?
- A rien. Je les peins pour le plaisir.
-C'est une activité terrestre ?
-Oui. depuis les premiers temps de l'humanité, les habitants de la Terre reproduisent ce qu'ils ont vu dans leur quotidien, ou des visions qui viennent de leurs rêves.
- Une activité liée aux rêves ? Je comprends mieux. On ne rêve pas , sur Circé...(p. 112)
Se peut-il que la part la plus secrète des humains ne soit pas contenue dans leurs pensées, mais dans cet endroit mystérieux qu'ils appellent le coeur ?
Pour nous, le coeur est un organe purement fonctionnel. L'oracle ne l'a pas Augmenté. Il s'est simplement assuré qu'il ne battra pas au-delà de soixante-six ans.
mais les humains lui attribuent un rôle essentiel. Leurs images les plus saisissantes se rapportent au coeur : un crève-coeur, parler à coeur ouvert, en avoir gros sur le coeur... (p. 219)
Tous ces objets, je ne les regarde déjà plus avec le même étonnement. Les marques d'usure, les fils qui dépassent, les plis impossibles à effacer, tout ça me donne l'impression qu'ils racontent une histoire.
En longeant les portants chargés d'habits, je crois voir une minijupe frémir du premier rendez-vous où elle fut portée. (...) Sur les paillettes d'un sweater au dégradé clair-obscur, je vois passer les nuages d'une promenade pluvieuse où l'on s'est senti seul sous un auvent ou un pont. (p. 69)
Je capte un écho de sa dernière phrase. Une femme en haillons, entourée de sacs en plastique et agenouillée sur le trottoir, flotte dans l'esprit d'Anna. Sa plus grande crainte semble être de se retrouver comme cette femme.
Un monde où l'argent et la misère cohabitent, me dis-je. Un monde plein d'anomalies.
J'ai écouté. Le silence s'instaurait dans la mélancolie et l'ivresse. J'ai pensé que nous venions d'atteindre la sérénité. Le départ de Max nous renvoyait-il à notre mortalité ? Au caractère fugitif de la vie ? A cet instant, la mort ne me semblait pas plus révoltante que l'envol d'un oiseau tirant parti de l'ouverture de sa cage.
Pour la première fois, le mot "inconsolable" correspondait à quelque chose de réel pour Faustine. Elle comprit que certains mots devaient être appris deux fois : la première avec le cerveau, la seconde avec le cœur.
Un labyrinthe n’est pas une impasse, un cul-de-sac, un piège. Mais un chemin qui ouvre sur d’autres chemins…
Il y a des sentiments que je voudrait couper des nouvelles de Ray. Des lambeaux d'amour que j'aimerais renvoyer dans le passé, dans le néant.
Est-ce que j'ai le droit de le faire ?
Est-ce qu'il m'y autorisera ?
Quoi de plus émouvant que ces craquements de brindilles, battements d’ailes, bourdonnements d’insectes et clapotements de ruisseaux que les oraculas restituaient par un large éventail de sons purement électroniques ? On eût dit que ces bruits synthétiques étaient l’original, et la nature une pâle copie.
Le vrai pouvoir de la lecture, c'est de rendre amoureux. L'intense fixation qu'elle provoque agit à la manière d'un philtre. Finir un livre, un livre qui nous a captivé du début à la fin, c'est comme sortir d'une histoire d'amour.