Stéphane Servant

 Les gens qui liront ce que vous écrivez ne vont pas aimer ça, je le sait. La plupart des lecteurs veulent des histoires qui se finissent bien, avec de beaux personnages courageux qui sauvent toujours le monde et un happy end sur fond de coucher de soleil. Ils lisent comme on mange un carré de chocolat. Un truc sans conséquence. Un petit plaisir. L’assurance que le monde est bien fait, malgré tout, quand ils referment le livre. Moi, je repense aux histoires que je lisais à Satie. Ces récits d’ogres et de dragons. Oui, ces histoires disent qu’on peut vaincre. Oui, les histoires peuvent nous donner du courage, nous inspirer, nous aider à trouver d’autres chemins. Oui, ça finit souvent bien pour les héroïnes. Mais finalement, il manque quelque chose d’essentiel là-dedans : jamais on ne parle de celles et de ceux qui sont tombés pour cette victoire. Morgane, Alexia, Blanche, votre fille Camille et tant d’autres Félines anonymes.
Ce soir-là, de nombreuses filles sont mortes. On ne saura peut-être jamais leurs prénoms, qui elles étaient, quels étaient leurs rêves, mais je pense souvent à elles.
Ce ne sont pas des personnages secondaires. Pas du tout. Sans elles, rien n’aurait été possible. Et c’est justement pour elles que je vous raconte tout ça et que je vais vous raconter la suite : c’est pour qu’on ne les oublie pas. Si, un jour, nous gagnons notre place dans la société, si les Félines deviennent les égales des hommes, ce sera grâce à elles. Ce sera d’abord grâce à elles.
Ce n’est pas mon histoire que vous écrivez.
Non, c’est la nôtre.
La nôtre.