Stéphane Viville

Les derniers États ayant modifié leur législation pour accorder un droit aux origines, sont l’Irlande (2015) et le Portugal (2019). Il est important de les mentionner, car ils illustrent une tendance forte et contredisent l’argument avancé en France par certains, expliquant que ce sont principalement des pays du nord de l’Europe qui ont modifié leurs lois, et que cela est surtout lié à leur culture protestante. Or, nous avons là deux pays dont l’Irlande qui n’a, pour cette raison, que tout récemment, voté le droit à l’avortement (alors que son accès a été restreint au Portugal, il y a peu).

Depuis le début [du don de gamètes], le don est volontaire, gratuit et anonyme. Deux raison ont incité les praticiens à choisir l'anonymat : d'une part, la notion d'adultère [les autorités religieuses l'assimilaient à un adultère] ; d'autre part, le modèle du don de sang. [...] La seule pratique de don d'organe, à l'époque, était celle du sang, parfaitement anonyme.

Ainsi, le Royaume-Uni, importe 40 % des paillettes de sperme qu’il utilise, la moitié provenant des États-Unis et l’autre, du Danemark.

Le cas le plus emblématique [de serial donneur] est très certainement celui des Dr Mary Barton et Bertold Wiesner… Oui, il s’agit bien des auteurs du premier article scientifique décrivant l’insémination avec donneurs, article que nous avons mentionné dans le deuxième chapitre de la première partie de ce livre, dont les rédacteurs recommandaient l’anonymat du don et de ne pas engendrer plus de cent enfants par donneur ! Ce même couple créa, l’année de cette publication (1945), une clinique spécialisée dans la simulation avec donneurs (IAD), qui ferma ses portes au milieu des années 1960, après avoir inséminé plus de 1500 femmes. L’analyse, réalisée en 2007, de l’ADN de leur fils Jonathan, permettra de mettre en évidence que ces insémination furent réalisées principalement avec le sperme de Berthold Wiesner. En 2012, la presse anglaise et internationale annonçait ainsi que plus de 600 personnes avait été conçues à l’aide du sperme de Wiesner !

Les nouveaux concepts préformistes se déclinent en « ovisme » et en « animalculisme ». Ils sont issus de travaux scientifiques innovants, en particulier de dissections d’ovaires, encore considérés comme des testicules féminins. Les travaux en question permettent de découvrir l’ovulation, l’éjection d’un oeuf par ces « testicules » qui seront désormais envisagés comme des ovaires. Ainsi, pour De Graff, il ne fait pas de doute « que tous les animaux et l’homme même tiennent leur origine d’un oeuf ». La théorie de l’ovisme est née, renforcée par maintes observations faites par d’autres savants. Dans la foulée, un autre Hollandais, Swammerdam, parachève cette théorie en conceptualisant le préformisme, qui stipule que l’œuf contient en miniature le futur individu. Tout est là, il ne lui reste plus qu’à trouver le terrain favorable pour assurer sa croissance.

Comme son nom l’indique, cette pratique [la fécondation in vitro] consiste à réaliser la fécondation en dehors de son site normal, l’utérus. Elle nécessite de recueillir des ovocytes et des spermatozoïdes. Le recueil d’ovocytes requiert d’abord une stimulation ovarienne, soit un traitement hormonal de plusieurs semaines, afin de forcer les ovaires, qui normalement ne produisent qu’un ovocyte à la fois, à engendrer plusieurs ovocytes en même temps ; puis, une intervention chirurgicale est programmé pour aller chercher ces ovocytes au sein des ovaires. Les spermatozoïdes sont, dans la majorité des cas, recueillis par masturbation - mais, en cas d’absence de spermatozoïdes dans l’éjaculat une biopsie testiculaire peut-être proposée afin d’ aller les chercher directement dans les testicules.

Au début du XIXe siècle, alors que sont rapportées les premières publications d’insémination avec le sperme du mari, cette pratique fut publiquement condamnée comme « offense à la loi de la nature ». La technique choquait car elle faisait appel à la masturbation et correspondait à une instrumentalisation de la procréation. Du fait d’un décret du Saint-Office interdisant cette pratique, elle ne sera réalisée que dans la clandestinité et il faudra attendre le milieu du XXe siècle pour qu’elle soit acceptée et popularisé, tout en restant très confidentielle. Elle ne deviendra plus amplement reconnue et adoptée qu’à partir des années 1970, avec la création des premières banques de sperme, d’abord aux États-Unis puis, plus largement, à travers le monde.

…. Il fut décidé de réaliser un appariement entre le donneur et le couple receveur ou, du moins, le membre du couple ayant besoin du don. Cet appariement se fait en fonction de caractères physiques, fondés sur des critères simples comme la taille, la teinte de la peau, l’aspect des cheveux, leur couleur, celle des yeux, mais aussi sur le groupe sanguin. […] Ces règles ont été élaborées dans un état d’esprit que la sociologue Irène Théry qualifie de « pas vu, pas pris », et ont pour objet de pouvoir cacher au mieux le mode de procréation à l’enfant. Il fallait en effet lui dissimuler, ainsi qu’au reste de la société, cette pratique qui, pour certains, était et reste scandaleuse.

Ce livre est le fruit de mes réflexions [...] J'expose ici mon point de vue personnel, qui est partagé dans le grandes lignes par ceux soutenant l'accès aux origines pour les PCD [...] Je m'exprime ici au titre d'ancien chef de service du laboratoire de biologie de la reproduction du CHU de Strasbourg, au sein duquel se trouve un CECOS. Mon expérience en PMA, en recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires humaines, le fait que je ne sois ni donneur ni conçu par un don de sperme me permettent de revendiquer le titre d'expert libre, éclairé et indépendant. Je suis un citoyen engagé, œuvrant pour ce que je considère comme relevant de l'intérêt général.

… il ne faudrait pas oublier que plus de 70 000 personnes ont été conçues par don, majoritairement de sperme–même si nombre d’entre elles, soit, parce qu’elles ignorent leur mode de conception, soit par désintérêts ne recherchentpas leur donneur.