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Critiques de Steven M. Nadler (7)
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Spinoza, une vie

On ne se lance pas dans une telle lecture au hasard. En effet, même si l'on n'est pas un philosophe aguerri, le sujet « Spinoza », évoque un système philosophique aride exposé à une époque ancienne (le dix-septième siècle aux Pays-Bas, pays natal de Spinoza), de plus, l'ampleur de l'ouvrage : 601 pages, suppose un bel appétit de savoir pour un sujet somme toute relativement précis. Toutefois, le texte en quatrième de couverture à de quoi convaincre tous les lecteurs potentiels« Cette vie de Spinoza est sans doute la meilleure biographie qu'on puisse lire sur l'auteur de l'Éthique […] Elle ne remplace évidemment pas la lecture des oeuvres du philosophe : mais elle l'éclaire et la rend à bien des égards encore plus émouvante. » Je me suis donc plongé dans ce pavé avec enthousiasme.



Au début du livre j'ai été un peu surpris par le long développement (plus de 50 pages) consacré à l'histoire de l'installation des juifs espagnols aux Pays-Bas. L'histoire de la famille et des différentes communautés juives ainsi que leurs querelles internes ou avec les autorités ne méritaient peut-être pas à mon avis d'y consacrer plus de quelques pages. Ce préliminaire est comme une épreuve de sélection pour tester la motivation du lecteur.



Ce n'est qu'à partir du chapitre 2 page 57 que l'auteur nous parle d'Abraham de Spinoza (l'oncle de Michael de Spinoza futur père du philosophe). Il faut attendre encore la page 107 pour que l'auteur aborde la jeunesse de Sinoza qui a alors 7 ans, nous sommes en 1639.



Spinoza ne fit pas d'études pour devenir Rabbin, il rentre dans la maison d'import-export de son père à la fin de 1649. Il est probable même qu'il ait commencé à travailler dès l'âge de 14 ans. Son père décède en 1654, Spinoza à 21 ans. Il s'est forgé une grande culture religieuse et parle hébreu, latin, espagnol. Il connaît tous les classiques de l'antiquité et témoigne d'une grande indépendance d'esprit.



Le 27 juillet 1656, un Herem est prononcé à son encontre, Spinoza est exclu de la communauté juive en raison de sa conduite et de ses opinions contraires à la doctrine officielle. Personne n'a le droit de l'approcher, de lui parler, de lire ses écrits. Cet ostracisme se prolongera tout au long de sa vie, même s'il sera reconnu comme un grand penseur.



Il est probable que les opinions et la pratique religieuse de Spinoza n'étaient pas les seuls motifs motivant le Herem, mais qu'il y avait aussi derrière des raisons économiques et financières liées au fait que Spinoza s'était écarté des règles de la communauté pour défendre ses droits dans l'héritage de ses parents et qu'il avait fait appel à la loi hollandaise au détriment des règles de la communauté, ce qui causait un préjudice de confiance envers le commerce juif.



Voici quelques idées exprimées par Spinoza et qui détonnaient dans le paysage intellectuel de l'époque :



– Il ne croyait pas à l'immortalité de l'âme.



– il ne considérait pas que les juifs étaient un peuple d'élus.



– Sa conception de l'État et de la société faisait de Spinoza un républicain libéral pour qui la souveraineté résidait dans la volonté du peuple.



– Pour Spinoza il n'y a pas d'autorité au-dessus de la raison.



– L'intuition fondamentale de Spinoza est qu'il n'y a pas de téléologie dans l'univers. La nature n'agit pas pour une quelconque fin et les choses n'existent pas en vue de quelques raions donnés. Il n'y a pas de « causes finales ». Tous les discours sur les objectifs, les intentions, les buts, les préférences ou les visées de Dieu ne sont qu'une fiction antropomorphisante (Page 380).



– Pour Spinoza la croyance en l'immortalité de l'âme n'est qu'une superstition pernicieuse que les autorités religieuses manipulatrices promeuvent afin de pouvoir contrôler le coeur et l'esprit des gens. (page 397).



Dans les années 1659, il se lance dans le polissage de lentille pour lunettes astronomiques et microscopes, dès 1661 il s'était fait un nom dans ce domaine. Il lui fallait bien trouver un moyen de gagner sa vie quand il fut contraint de rompre toute relation avec la communauté juive et donc privé de diriger son affaire d'importation.



On apprend quelques détails sur les conditions dans lesquelles il vivait dans les 5 dernières années de sa vie à La Haye. Il logeait dans une unique grande pièce au rez-de-chaussée d'une maison appartenant à van der Spyck, artiste peintre. La pièce contenait un lit, une petite table de chêne, une table d'angle à trois pieds et deux tables plus petites, son matériel pour polir les lentilles et environ 150 volumes dans une bibliothèque.



On ne lui connaît pas de relations amoureuses bien établies à part son désir malheureux d'épouser Claria Maria la fille de van Den Eden.



Il a été vivement attaqué par ses contemporains, on lui reprochait d'être ex-juif, blasphémateur et athée déclaré. On lui reprochait aussi d'identifier Dieu avec la nature elle-même et de soutenir un déterminisme qui abolit toute liberté de la volonté.



Son mode de vie était celui d'un philosophe, loin de la polémique et des honneurs. En 1673 il refuse la chaire de philosophie à l'université de Heidelberg que lui proposait l'Électeur palatin. Il ne se sent pas attiré par l'enseignement public et surtout ne souhaite pas être détourné de ses travaux personnels. Il refuse aussi une pension que Louis XIV voulait lui octroyer à la condition qu'il veuille bien lui dédier un de ses ouvrages.



Toutefois, à propos des femmes, ses opinions ne diffèrent pas de celles de ses contemporains. À la question de savoir si les femmes sont par nature ou pas institution sous l'autorité des hommes, Spinoza répond sans équivoque « par nature ». Les femmes doivent être exclues du gouvernement, soutient-il, à cause de leur faiblesse naturelle… (page 564).



Comme quoi, on a beau être un génie on n'en conserve pas moins certains préjugés transmis par la pression d'une opinion majoritaire.



Spinoza décède en 1677 d'une phtisie aggravée sans doute par la poussière de verre qu'il a respiré une grande partie de sa vie.



L'auteur a réalisé un travail remarquable, mais qui n'intéressera pas forcément le lecteur simplement motivé par la recherche de connaissance de base. Ce livre s'adresse plutôt aux enseignants, aux historiens ou à l'amateur féru de philosophie.



Bibliographie :



- "Spinoza, une vie" de Steven Nadler, H&O Biographie (2021), 601 pages.
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Spinoza

Autant le dire tout de suite : ce livre très fouillé sur la vie de Spinoza comporte ce qui apparaîtra à certains lecteurs comme des longueurs car l'auteur s’applique à préciser, dans des détails de la vie de ce philosophe, dont aucun n’est anodin, les sources dont il s’inspire, et notamment pour exposer leurs contradictions. Mais c’est précisément cette plongée dans les détails qui fait l’intérêt de cet ouvrage, qui, de ce fait, devient bien davantage qu’une biographie de Spinoza : un panorama de la vie intellectuelle, politique et religieuse des provinces-unies des pays-bas au XVII° siècle ; donc au moment où ce pays développe une certaine forme (dont le livre montre aussi les limites, et les combats internes au protestantisme que cela génère) de tolérance religieuse, unique dans le monde à cette époque. L’opposition officielle de bien des universités les plus prestigieuses du pays à la philosophie de Descartes, alors même qu’elle continue à y être enseignée, est, à titre d’exemple, vraiment fascinante à découvrir.

Et l’on y découvre le développement d’une communauté juive d’origine portugaise, de création récente, formée de marranes obligés pendant des décennies, en Espagne et au Portugal, à cacher leur attachement à l’antique religion sous le couverte d’une pratique catholique sans faille. Les parents de Spinoza faisaient partie de cette génération nouvellement implantée aux Pays-bas, et qui souhaitaient redécouvrir une religion dont des décennies de pratique cachée, sans repères livresques car il était dangereux d’en détenir, en avait fait une foi un peu mythique et dont la redécouverte avec des rabbins appelés d’ailleurs n’était pas toujours sans difficultés ou heurts.

Les conditions dans lesquelles a été prononcé le "herem" c’est à dire le décret interne d’exclusion de la communauté juive de celui qui était l’un des élèves les plus doués de ses écoles sont captivantes par ce qu’elles dévoilent du fonctionnement interne de cette communauté, comme aussi de ses liens avec l’extérieur, et de sa dépendance à ce monde dans lequel elle était plongée.

Bien entendu, le livre comporte des exposés nombreux de la pensée de Spinoza au fur et à mesure de son évolution, même si ce n’est pas là son objet, car c’est tout de même indispensable pour comprendre son rapport à ses maîtres, à ses disciples, à ceux qui s’intéressent à sa philosophie. Ceux qui souhaitent comprendre vraiment quelque chose à cette dernière trouveront sans doute d’autres ouvrages pour les y aider.

Un livre donc parfois difficile, mais passionnant.

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Spinoza

Ouf ! Je suis très fière de pouvoir dire que je suis arrivée au bout de ces très denses 410 pages.

J’avais été attirée par cette biographie de Spinoza en lisant des critiques de Babelionautes qui la présentait davantage comme un panorama érudit de tout ce qui tourne autour de la vie de Spinoza – toutes les dimensions de la vie aux Pays-Bas au XVIIème siècle.

Je confirme, et ma curiosité a été rassasiée – et quelque peu attisée aussi… ! - ! J’ai découvert le sort des Juifs portugais (dont Spinoza est issu), leur installation à Amsterdam, le développement de cette communauté, leur organisation sociale, leurs activités commerciales internationales, leur formation religieuse, leurs croyances et les différents courants qui pouvaient exister, la cohabitation peu souhaitée avec les Ashkénazes etc.

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir et ce que vous n’avez jamais soupçonné sur l’histoire des Juifs des Pays-Bas !

Sont également évoqués la philosophie de Descartes, son influence et les débats qu’elle suscite, les différentes guerres avec tour à tour les Français, les Anglais, les Espagnols, et leur conséquence sur la politique et l’économie du pays, et aussi bien entendu la place et les positions des congrégations chrétiennes.

Ce luxe de détails n’a rien de gratuit, il s’agit d’une accumulation d’explications pour essayer de déterminer les inspirations de Spinoza et d’aider à comprendre l’incroyable audace de sa pensée et le cataclysme qu’il a provoqué d’abord dans la communauté juive d’Amsterdam puis chez les Catholiques d’Europe.

Si sa philosophie n’est pas au centre de l’ouvrage, elle est cependant déroulée fil à fil à mesure de l’enquête de l’auteur, et par endroit clairement développée et expliquée (ce qui n’est pas une mince affaire !).

Le style est tout à fait fluide, pas jargonnant ni alambiqué, c’est donc accessible à tout un chacun – pour peu qu’on veuille prendre le temps de savourer ce bijou d’érudition.
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Le philosophe, le prêtre et le peintre

René Descartes a une trentaine d’années quand, en 1629, il choisit de s’installer aux Pays-Bas pour y travailler tranquillement. A l’exception de brefs voyages, il y restera vingt ans. Professeur de philosophie, Steven Nadler décrit ici non seulement la vie intellectuelle et artistique des Provinces-Unies, alors en pleine effervescence — comme leur économie —, mais aussi la genèse et l’accueil de la pensée cartésienne. Descartes se fait des amis, en particulier un prêtre, Augustijn Bloemaert, lié à un cercle de savants et de musiciens. Bloemaert commandera à Frans Hals le portrait de Descartes quand celui-ci partira pour Stockholm, où l’appelle la reine Christine. Mais le calme que recherchait le philosophe finira par être troublé, car la tolérance et la liberté d’expression, grandes caractéristiques du pays si l’on en croit le cliché, ont des limites. S’il y a bien — plus ou moins — acceptation du pluralisme religieux, les catholiques sont discriminés. La pensée même de Descartes, en particulier celle des Méditations métaphysiques, fort peu aristotélicienne, va susciter de vives polémiques, ainsi que l’interdiction de l’enseignement de sa philosophie dans deux universités. Evelyne Pieiller
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Hérétiques !

Cette BD explique la genèse des idées des philosophes modernes sous forme de petits chapitres dédiés à chacun d'eux. Je pensais que ce résumé me permettrait de refixer les théories que j'avais apprises en Terminale en philo mais au final, je me suis plutôt ennuyée. J'ai vite décroché et même si je me suis forcée à continuer, je n'ai pas réussi à m'y intéresser. De plus, j'ai eu du mal avec le dessin, et tous ces personnages au nez rouge!

J'ai fini par abandonner car je me rendais compte que je ne mémorisais rien de ce que je lisais. Dommage!

Mais peut-être que certains seront plus réceptifs que moi...
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Spinoza

Un livre extrêmement intéressant, il retrace la vie complète de Spinoza en précisant le contexte historique, politique, économique, religieuse ... pour une meilleur compréhension de la vie de Spinoza ou pour une première approche du philosophe, je conseille ce livre. Il est aussi très intéressant au point de vue de l'histoire de la communauté juive du 17ème siècle. A lire pour les étudiants de philosophie .... Le seul bémol est qu'il est difficile de ce le procurer, une réédition ne serait pas négligeable.
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Hérétiques !

Je m'attendais à mieux au regard du titre.

Les courants de pensée de la philosophie du XVII siècle sont les seuls à être développés.

Si eux prenaient des risques tangibles à publier leurs idées, il y a autant d'hérésie dans la philosophie contemporaine.

La vrai question est bien de stratifier la pertinence des idées philosophiques du passé au regard des découvertes actuelles et des certitudes (terre sphérique, matérialisme, etc..) de la science.
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