J'ai appris la mort de Nel un dimanche soir, aux
actualités. Il était mort à des centaines de kilo-
mètres de moi.
J'étais à des centaines de kilomètres de lui.
A un monde de lui.
Je savais qu'il allait mourir. Qu'il était possible
qu'il meure bientôt. C'était une idée enfouie dans
ma tête, et à chaque fois que je le voyais, je me
disais : « Nel, ta mort est en toi et te souffle.
Chaque seconde, chaque seconde. » Mais j'écra-
sais cette idée — cafard — absolu, abject cafard
pour lui sourire : « Tiens le bon bout, Nel. Accro-
che-toi, je t'en prie, accroche-toi, et vis, vis. Ne
meurs pas. A qui pourrais-je parler d'autre sur la
terre ? Parler vraiment. Tu sais bien ça. » C'était
complètement égoïste.
Tous ces « ne meurs pas, je t'aime » sont com-
plètement égoïstes.