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Citations de Sylvie Lemonnier (3)


Dans la poussière et le caillou

Il y a une petite cour entourée de murs en torchis. Murs irréguliers, plein d'aspérités, des petites pierres grises et pointues qui agrippent la main qui s'y repose.
Il y a de la terre battue. Les pieds en soulève la poussière.
Là-bas, une entrée. Un antre ou plutôt une grotte. C'est un trou. Mais on a envie d'y rentrer car le soleil est assourdissant. Les yeux ont mal et la peau ruisselle.
Deux gendarmes en uniformes verts ont passé le rideau et se dirigent vers le trou. Au fond. Ils savent que la mère est là. C'est le fils, l'aîné qui les a prévenus : sa sœur Aïcha, dix ans, n'est pas rentrée. Elle a disparu depuis deux jours.
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Jimmy jusqu'à la mer

Aujourd'hui serait le jour où lui, Jimmy verrait la mer.
Au bas de l'escalier, il y avait la clé toute neuve qui pendait à un vieux clou tordu. Il l'a prise et puis il a poussé la porte, tout doucement, pour ne pas que ça geigne du cri des morts-vivants. La clé était trop grosse, trop lourde, difficile à glisser dans une serrure haute comme un adulte. il tâtonna un aveugle. Poussa devant, derrière. Ça tapait là-dedans. A droite. A gauche. Ça faisait tellement de bruit au cœur de cette boîte en fer qu'il eut peu de réveiller tout le monde. Ses doigts s'échauffaient, piquaient. Jusqu'à ce qu'il sente tout à coup le cran passer et se bloquer. La porte était refermée derrière lui.
Cachetée.
Bouclée.
Il a retiré la clé, et, de toutes ses forces, il l'a jetée dans l'herbe, le plus loin possible. Au fond de sa main, il a senti un fin duvet qui le chatouillait. Tout au creux. Comme on dit "ça lui a fait pousser des ailes" ! Alors, il a couru, couru au fond de la nuit de charbon de bois.
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AUTOMNE

Les digues qui s’élancent
– lignes tracées au cordeau horizonnent la mer –
espace contenu qui sinon te donnerait le vertige.

Un cadre donc.

Avec, à l’intérieur, une large page bleue.
.................................................................................

Les machines à sous alignées cinq par cinq. Les manettes brillantes, leviers en l’air prêts à tirer. Des soldats au garde-à-vous. Avant l’anarchie des combats sans gloire, des défaites addictives. Une vieille, genre trombone mal déplié, étroite, les jambes comme des ceps de vigne asséchés. Ses gestes sont brusques et précis. Mettre les jetons. Refermer la main sur la manette dorée. Abattre d’un coup sec. Les yeux ne quittent pas les écrans qui tournent. Les oreilles à l’affût des jetons qui pourraient choir dans un fracas métallique. Derrière, le bar lounge avec ses canapés profonds, rouges. On se croirait dans des salons du Titanic ; comme ceux qu’on voit sur les photos, là, encadrés sur les murs.
Il fait chaud.

Côté bar justement : un couple face à face. L’homme légèrement avachi. Le dos mollement posé contre les coussins. Au repos. Elle, raide, les yeux ailleurs. Ne parle pas. On dirait qu’elle s’ennuie. Peut-être à cause de cet endroit ? Ou bien de cet homme-là ? Son œil revient sans cesse, comme un boomerang, sur son portable posé à l’angle de la table, à côté de la carte des vins. Peut-être attend-elle un message ?
En face, à une vingtaine de mètres, l’entrée de la discothèque. Elle ouvrira dans cinquante-trois minutes. Le videur n’est pas encore à son poste, situé juste à droite de la double porte capitonnée. En fait, il se trouve un peu plus loin, dans le salon style années 20, au fond de la deuxième salle. Assis sur un haut tabouret, il fait tourner dans sa main un verre à pied, très fin, qui pourrait bien contenir du Sherry. Tu es surpris : tu le verrais plutôt avalant un scotch ou un rhum arrangé... Costume noir. Chemise blanche. Légèrement brillante. La veste a pris les plis d’autres vêtements oubliés, lancés et amassés en vrac sur un fauteuil qui ne sert qu’à ça. Elle a été chiffonnée. Elle a perdu de sa superbe. D'ailleurs, ce soir, son propriétaire prendra dans la figure plusieurs remarques bien balancées de son patron. Il y en a quinze qui attendent pour prendre sa place. Alors s’il ne peut pas s’habiller correctement... Ça le touchera à peine. Ou plutôt cela viendra s’ajouter, un peu comme son tas de fringues sur le fauteuil, au-dessus de ses autres peines qui aujourd’hui occupent toute la place.
Dans le hall, les plafonniers égrènent des lumières jaunies. Frêles étoiles artificielles, allumées tout le jour, enrobant de façon mielleuse et têtue les rêves des quelques habitués. Le regard se perd sur les grandes pièces en enfilade. Il y a du monde. Du mouvement. Des bruits de verres et de tasses. Les pas sont assourdis par les moquettes. Peu de paroles. C’est un vacarme muet.
Mais reviens en arrière. Un peu plus tôt. Et place-toi là, dans l’arrondi de l’entrée du casino.
La porte est ouverte.
La jeune femme de tout à l’heure, assise face à l’homme, vient juste de sortir d’une Audi noire. Elle se déplace, haute et gracile, son bras cisaillé au niveau du coude par la chaîne clinquante d’un petit sac rigide à la mode.
Recule encore : Joséphine — c’est son prénom — marche en arrière, délie ses jambes de la pointe au talon, comme si on rembobinait. Remonte dans la voiture, dont le chauffeur referme la portière. Et c’est la voiture qui maintenant recule et stoppe à deux cents mètres, dans le carrefour du pont tournant. Le feu n’est pas passé au vert, car le pont est ouvert, bloquant la circulation pour quelques minutes : dans le bassin du commerce, il laisse entrer deux chalutiers. Entre les deux, un voilier dont l’étrave est secouée par les remous du moteur du gros bateau qui le précède. Le plaisancier est arc-bouté sur la barre, le regard accroché à l’énorme cul ronronnant qui maintenant s’éloigne. De la chaussée, on ne distingue que le mât qui dépasse : il avance, digne malgré tout, comme une ligne verticale tracée au feutre gris sur l’écran pâle du ciel.
Joséphine, assise à l’arrière, est enfouie dans son col de fourrure — fausse ou vraie, tu l’ignores : mieux vaut ne pas savoir, car la vue d’un bout d’animal mort autour de ce cou blanc t’empêcherait d’écrire. Les sièges sont bas et la vitre teintée trace une frontière sombre juste au-dessus de son épaule.
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