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Citation de ThibaultMarconnet


La peau morte

À François Augiéras

L’aube est claire comme du lait
Et je promène en moi une vieille âme ;
De quelle terre noire suis-je fait
Et faut-il que meure en moi la femme ?

Nul ne répondra, ni les eaux du ciel
Ni la bave claire des ruisseaux ;
Le soleil coule sur ma peau tel le miel
Et je vais, priant la nuit de me donner le repos.

De ma bouche sort la complainte du Temps
Et du dedans je me consume ;
Me faudra-t-il pleurer dans le cri du vent
Et que l’encens des lichens me parfume ?

Sur mon front brûle une croix de sang
Qui me rappelle d’ancestrales psalmodies ;
Et quand donc tairais-je en moi ces chants
Qui fouettent mon âme et me crucifient ?

Je me suis fait bête, fauve ou mésange,
Par reniement de la parole humaine,
Et je griffe en moi la crasse qui me lange :
Cet animal pensant et tout gorgé de haine.

J’ai déchiré ma poitrine trop étroite
Et le soleil a baisé mon cœur battant ;
Dans la grande battue, ma peau était moite
Et, gibier lucide, le feu a nourri mes élans.

Je me suis enfui dans les forêts noires,
Du charbon plein mon visage de fou
Et j’ai béni la semence des poires,
Empoissant les pieds qui me tenaient debout.

Où gît le vieil homme qui pleurait en moi ?
Dites-moi où est son tombeau de terre ;
Il voulait se revêtir du lys des rois
Et n’a pas su apprendre à se taire.

Qu’il repose à présent dans l’oubli
Puisque la dernière bougie s’est éteinte ;
Ô, dites-moi si Dieu est, que je le prie !
Et que ma peau morte sente son étreinte !

(p. 31-32)
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