L’appel
À Pier Paolo Pasolini
Sur un terrain vague d’Ostie, le corps de Pasolini comme une hostie profanée.
Les herbes sont jaunes et sèches ;
le chemin de terre, refermé
comme un poing d’enfant
Une forme nue avance
claudique sur le sentier blanc
la peau rongée et cramoisie
Une présence humaine
les mains, deux serpes
les jambes, oiseaux aux ailes de plomb
Son œil rouge
pareil à la terre brûlée
flambe sur son visage de craie
Il invective le ciel
le doigt montrant son ecchymose
la bouche cinglée d’écume
Puis retire son cœur de sa poitrine étroite
le dépose sur un rocher fendu
et le laisse s’épurer parmi les coupures du sable
Un animal s’approche
yeux révulsés
muscles tendus
Il rage, trépigne
enfonce, craque le sol
fait crépiter la poussière
Sa large gueule s’ouvre
pour vomir une cendre inerte
et il talonne le cœur battant sous lui
L’homme s’écroule sur un reste de volcan
le poing tendu, figé jusqu’au ciel
banni, arraché du monde
L’animal renifle le corps fossilisé
et l’enfouit entre les pierres ;
incrustée dessous la roche l’âme crie qu’on l’aime.
(p. 10-11)