Citations de Thierry Lefebvre (II) (14)
(En URSS en 1962)
" Chercher à comprendre, c’est commencer à désobéir. "
(page 121).
Un grand chef n'est jamais en retard, il a été retenu par des problèmes d'importance majeure, c'est totalement différent.
Une fine et froide pluie, caractéristique de la fin de l'hiver, commençait à tomber. Elle ne l'empêcha pas pour autant de s'attarder devant la statue de Mikhaïl Lomonossov. Ce fils de moujik devenu scientifique de renom illustrait bien le fait que réussir dans ce pays n'était pas réservé à une classe privilégiée.
Alexeï n’eut même pas le temps de finir sa phrase que des visiteurs se retournèrent. L’un d’entre eux leur fit remarquer que la seule langue officielle était le russe et que parler en ukrainien était interdit dans les lieux publics.
Tu sais, Alexeï, j’ai toujours été convaincu que nous autres, les Ukrainiens, étions dans le collimateur. Les Russes ont toujours eu des préjugés défavorables sur nous. Staline aurait voulu une Ukraine sans Ukrainiens.
Tu sais, Alexeï, j'ai toujours été convaincu que nous autres, les Ukrainiens, étions dans le collimateur. Les Russes ont toujours eu des préjugés défavorable sur nous. Staline aurait voulu une Ukraine sans Ukrainiens. Et je parle en connaissance de cause car j’en ai été tristement victime
- On va me lechercher. S’ils me tlouver, je suis perdu.
- Je crois qu’on va commencer par une petite leçon de prononciation française. Ce n’est pas lechercher, c’est REchercher. Il faut racler au fond de votre gorge comme si vous y aviez un chat.
- Un chat dans la golge ? l’interrompit Ivanov, perplexe.
- C’est une expression qui veut dire enroué. Je disais donc, bien racler et laisser la langue collée aux dents du bas. Comme çà Rrr.
- Rrr, Rrr, s’égosilla Ivanov. Rrrre-chercher, Frrrance.
- C’est très bien, les Russes ont toujours été très doués pour les langues.
Lors des réunions du vendredi, Kalliakchev ne passait rien à personne et en particulier à Alexeï sur lequel il avait, en quelque sorte, une double autorité, scientifique et administrative. Le thème d'étude confié par Kalliakchev à Alexeï se situait dans la continuité de sa thèse de doctorat à savoir la résolution des équations diophantiennes. Son domaine de prédilection. Certes, il aimait chercher des solutions à ces équations, démontrer leurs propriétés, mais ce qu'il appréciait par-dessus tout, c'était d'infirmer des suppositions ou des évidences trompeuses. Si les calculs n'avaient pas été aussi fastidieux, il aurait rêvé de trouver un contre-exemple au dernier théorème de Fermat .
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La curiosité
était loin d'être la première qualité qu'on demandait à un
jeune professeur, encore moins s'il était ukrainien. P157
Engoncé dans son épais pardessus, Alexeï monta de suite à sa chambre pour s'en débarrasser. Anton, le régisseur du foyer avait glissé un petit mot sous la porte de sa chambre : « Merci de passer à la conciergerie, des nouvelles de gosier vous y attendent ». Les nouvelles de gosier, c'était, non sans un brin d'humour, la façon dont Anton appelait les colis reçus par les pensionnaires. Ils étaient effectivement, le plus souvent, composés davantage de denrées alimentaires, boissons comprises, que de longues lettres, d'où la métaphore.
Certes, la maisonnette n'était pas bien grande, mais nous nous y sentions bien. La seule entrée donnait directement dans la pièce principale, celle où nous vivions la plupart du temps et qui servait essentiellement de cuisine. Au beau milieu, un poêle à charbon constituait l'unique moyen de chauffage. Au fond, une porte, flanquée d'un petit oculus en forme de cœur, s'ouvrait sur un débarras borgne, point de passage obligé pour monter dans la chambre par un escalier de meunier aussi raide que branlant. Chaque fois que je revois ce petit cœur dont le rôle premier consistait à casser l'obscurité, je ne peux m'empêcher de l'associer à tout l'amour qu'il avait accumulé au fil des années.
C'est pour nous protéger du monde fasciste et
impérialiste, objecta sèchement Fedora. Un mur vaut mieux
qu'une guerre. Et puis, pour Udo, mon mari en fait son
affaire. Ses parents, à Hambourg, avaient la carte du KPD1
avant qu'il ne soit dissous et sont, malgré cela, restés fidèles à leurs idées. P157
Au petit port de Zatoka, Igor reconnut de suite la silhouette du Knyaz. C'était le seul bateau à avoir une cabine de pilotage excentrée et la pénombre laissait juste assez de clarté pour deviner les flancs en bois peint aux couleurs de l'Ukraine, le jaune des blés murs sous le bleu du ciel. Igor aida Anouchka à enjamber le bastingage et lui passa les affaires. Ils descendirent le tout dans la soute du navire. L'odeur de gas-oil mêlée aux relents de poisson était insoutenable. Les bidons souillés par le fioul étaient empilés les uns sur les autres dans un désordre indescriptible.
Après avoir récupéré le paquet de cartes perforées au quatrième, les deux compères descendirent au bunker. Quelques étudiants étaient en train de ranger leurs affaires. Un voyant vert clignotait sur le pupitre de commande, preuve que le Strela était libre. Il fallait sauter sur l'occasion.
Alexeï prépara le lancement de la machine sous le regard avisé de l'instructeur. Vladimir n'eut aucune observation à formuler. À défaut d'être un informaticien aguerri, le mathématicien était devenu un pupitreur confirmé.