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Citation de missmolko1


Comme chaque jour, à la même heure, la chaussée qui relie Padoue à Venise est encombrée par les charrettes de paysans qui acheminent leur nourritures terrestres, fruits, légumes, céréales, vers la cité maritime. Il y a aussi des voitures de poste dans lesquelles des patriciens, assis sur des coussins de velours, regagnent Venise après avoir donné des fêtes dans leurs villas de la terraferma. Plus loin, des commerçants milanais, des diplomates génois, des voyageurs français ont pris place a bord d'une peota qui remonte le canal de la Brenta, tirée depuis la berge par des chevaux de trait à la robe luisant de sueur.

Malgré la poussière qui s'élève de la route de terre sèche, malgré la fatigue du voyage et la chaleur accablante de cet été 1730, tous les hommes ont remarqué ce chariot tracté par une vieille jument, et conduit par une paysanne aux cheveux blancs, au teint hâlé et à la peau racornie. À ses côtés se tient sa fille, une jeune femme de dix-huit ans environs, vêtue d'une robe blanche sans manches qui laisse deviner la naissance d'une poitrine opulente. Ses longs cheveux châtains, ses yeux clairs et ses dents blanches, qui éclairent un visage aux traits fins, concentrent sur elle les regards des paysans mais aussi ceux des patriciens, dont la tête dépasse un instant de la fenêtre de leur voiture avant de disparaître derrière un rideau. La jeune femme n'ignore pas l'effet qu'elle produit sur les hommes. Chaque fois que le regard d'un gentilhomme se pose sur elle, elle redresse la tête en glissant lascivement ses doigts dans ses cheveux. Puis elle s'amuse à les relever en chignon, prend une longue inspiration afin de gonfler sa poitrine, et laisse enfin retomber ses mains sur sa nuque, sur ses seins puis sur ses cuisses, qu'elle caresse jusqu'aux genoux. Parfois, un maraîcher lui adresse au passage quelques mots crus. Sans s'offusquer, la jeune femme esquisse un sourire ou laisse retentir un rire clair.

Si la plupart des hommes qui croisent la jeune paysanne ne lisent dans les formes de son corps que la promesse d'un plaisir charnel, plus rares sont ceux qui éprouvent tout a la fois un sentiment d'attirance et de crainte. Derrière la lenteur et la lascivité de chacun de ses gestes, ceux-ci ont devine l'assurance d'une séductrice qui connait le pouvoir qu'elle exerce. Ils ont su lire dans son regard ce mélange de défiance et de légèreté qui semble dire que rien n'a d'importance excepté le jeu de l'amour. Un jeu dont elle dicte les règles.
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