Thierry Renavand

Nous apprenons la présence [à Mahaxay] d'une vénérable grand-mère, jadis propriétaire de neuf éléphants, source inépuisable d'informations sur les coutumes et cérémonies locales et qui connaît la chanson rituelle que l'on déclame aux éléphants lors du dressage.
Toute la ville raconte aussi les histoires de son père, devenues légendes sur le dressage. Son père et son oncle étaient les deux seuls hommes de la région capables de capturer des éléphants sauvages. Avant chaque capture, vente ou voyage d'éléphant, on dressait un autel et invoquait les esprits des éléphants. Puis, les deux courageux chasseurs se postaient sur un arbre et sautaient sur le cou de l'éléphant, enserrant son cou entre leurs jambes. Leurs pouvoirs, dit-on, leur permettaient de prendre le contrôle de l'animal instantanément!
Elle-même a possédé un éléphant blanc, qu'elle voulait offrir au roi de Luang Prabang mais qui, en chemin, se mit à barrir. Elle comprit que l'esprit des éléphants ne voulait pas de ce don. Elle nous apprend aussi beaucoup sur les cérémonies réservées au décès de l'éléphant. A Mahasay, nous explique-t-elle, le propriétaire abandonne la dépouille, qui est laissée aux soins du village. S'il s'en approche, il risque d'attirer le malheur sur sa maison. Nos cornacs ajoutent qu'à Hongsa, le propriétaire mandate le village pour équarrir l'éléphant, récupérer ses os et enlever le reste.
(...)
Elle confirme que les bombardements américains ont été la cause directe ou indirecte de la mort de tous ses éléphants, sauf un qui n'est plus chez elle. Elle ne tarit pas d'éloge sur la caravane et se réjouit d'être dans une période où la culture revient au premier plan. Avant de nous séparer, elle nous confie, émue, que la caravane symbolise pour elle un retour à la prospérité et à la paix.