Citations de Thierry Zarcone (24)
D’un autre côté, à l’instar des Indes néerlandaise , le Grand Orient de France s’oppose à la création de loges pluriethniques où travaillant en arabe, car les maçons Français établis en Algérie redoutent, comme les Britanniques aux Indes l’émergence d’une classe éclairée d𠆚rabes qu’ils auraient involontairement soutenue et qui revendiquerai l𠆚utonomie du pays. Cela, pensent-ils remettrait en question le colonialisme et entraînerait l’émancipation de ce peuple d𠆚lgérie. Les missionnaires de la liberté devraient ils s’étonner écrit justement Pierre Chevalier que les peuples auxquels on a vanté les vertus de la liberté seraient amenés un jour à en demander l𠆞xercice ? Le projet d𠆚ssimilation se solde finalement par un échec et, avec lui, le rêve des francs-maçons français de mettre sur pied une franc-maçonnerie arabe adepte de la religion universelle.
Les défenseurs de l’Abd el-Kader francs-maçon et spiritualiste, à la suite de Bruno Étienne ne partagenr pas à l’égard de l’islam de France toutes les idées de leurs frères maçons. En premier lieu, Étienne dénonce la laïcité agressive du Grand Orient de France et des gouvernements français, laïcité qu’il décrit comme « Césaro-papiste-laïcarde », c’est-à-dire imprégnée de culture chrétienne. Il déplore comme Jean Baubérot le glissement de l’obédience vers la laïcité identitaire, vers la “purification laïque” qui est une persécution religieuse et estime que la France doit être plus respectueuse des droits des musulmans.
(...) en 1984, le début de la lutte armée kurde dans le sud-est du pays. özal y répond en assouplissant les mesures prises par les militaires à l'encontre de ce peuple. Il autorise à nouveau, en 1991, l'usage de la langue kurde en public et permet, l'année suivante, la création d'un Institut kurde à Istanbul.
(...Mais)
Les Kurdes, dont la population représente environ 10 à 15% du pays, ne sont pas parvenus à faire reconnaître leur droit à la différence ni leur particularisme linguistique et culturel par la Turquie.
La Turquie devient un pays Janus,à double culture, ottomane-religieuse et occidentale-libérale, traversé par de nombreux clivages, intellectuels, artistiques, littéraires, musicaux. Mais ces cultures sont souvent croisées et même harmonisées.
(...)
Le problème de l'opposition intellectuel/peuple, bureaucrate/peuple occupe aussi les esprits.
Formés dans des instituts spécialisés, les futurs "professeurs de religion" devront expliquer que l'islam est une religion de la raison, amie du progrès et de la civilisation, qui s'oppose aux superstitions, à l'islam politique et au radicalisme.
Une nouvelle idée commence à faire son chemin : la religion, encadrée par la laïcité, peut servir la lutte contre le communisme, qui est présenté comme le nouvel ennemi du pays, ennemi de l'extérieur mais aussi de l'intérieur. En 1946, le communisme est interdit ainsi que les partis politiques à prétention socialiste, avec les syndicats et associations de travailleurs.
L'adoption, en 1926, d'un code civil, entièrement calqué sur le code suisse, révolutionne le droit familial et l'arrache définitivement à la charria. La situation des femmes se trouve au coeur du processus de modernisation, la polygamie que les Jeunes-Turcs n'avaient pu écarter est définitivement supprimée. L'égalité des sexes, l'émancipation des femmes et leur entrée dans la vie publique comptent parmi les principaux acquis de la République. Le droit de vote et de candidature aux élections est accordé aux femmes en 1934, dix ans avant les femmes françaises. Dix-huit d'entre elles entrent au Parlement en 1935.
Les Kurdes sont le seul peuple en Turquie qui ait conservé une identité distincte et le plus important groupe non turcophone du pays; il souffre donc directement du nationalisme turc. Installés dans une région géographique isolée et loin du contrôle du pouvoir, les Kurdes sont organisés selon des structures tribales et féodales. Ils ne constituent pas du reste un groupe homogène, ni sur le plan linguistique ni même sur le plan religieux, rassemblant des musulmans sunnites et des Alévis. Mustafa Kemal peine à briser ce système tribal et doit recourir à la négation avec ses leaders ou à la répression.
Le nouvel alphabet se compose de vingt-neuf lettres (dont huit voyelles). Il est inspiré de modèles européens, allemand (lettres ö et ü), roumain (s cédille), français (lettre j). Quelques sons n'existent qu'en turc et sont marqués par des lettres originales (...).
En 1925, le fez et le turban sont interdits, remplacés par le couvre-chef européen, et le calendrier occidental est adopté. En 1928, les chiffres européens sont imposés et les caractères arabes sont remplacés par les lettres latines. Plus tard, la langue turque sera purgée d'une grande partie de ses mots d'origine arabe et persane. En 1931, les poids et mesures occidentaux sont les seuls en usage. En 1932, l'appel à la prière en arabe est remplacé par un appel à la prière en turc. En 1934, les Turcs sont tenus d'adopter des noms de famille à l'européenne.
(...) repenser l'islam comme une religion nationale et rationnelle, et comme une pratique personnelle.
L'islam, écarté de la sphère publique, continue à être cultivé dans le cercle privé que constitue la famille et dans les villages où il conserve ses dimensions populaires, le culte des saints par exemple.
Ma misérable dépouille ne sera , un jour, que poussière, mais la République turque, elle, vivra éternellement.
(Mustafa Kemal)
Le culte de la personnalité se manifeste à travers les photographies de Mustafa Kemal et les nombreux monuments. (I)ls sont l'expression d'un pouvoir autoritaire que Mustafa Kemal souhaite pourtant assouplir : en août 1930, il suscite la création d'un parti d'opposition, le Parti républicain libre, et place à sa tête l'un de ses amis, (...). Mais les succès du parti inquiètent le Ghazi qui le dissout trois mois plus tard.
Messieurs, depuis plusieurs siècles, la nation opprimée de l'Orient, l'innocente nation turque, était considérée comme privée des qualités innées qui la distinguent. La capacité, l'aptitude, et l'intelligence dont elle fit preuve, au cours des dernières années, démontrent fort bien que ceux qui la méprisaient étaient des gens superficiels, des aveugles, incapables de bien juger. Grâce au nouveau titre de son Gouvernement, notre nation réussira mieux à manifester, aux yeux du monde civilisé, les qualités et les mérites dont elle est douée. La République turque saura démontrer par des actes qu'elle est digne du rang qu'elle occupe parmi les nations.
(Mustafa Kemal, Discours)
L'idéologie kémaliste commence à se préciser au cours des congrès du parti, en 1927 et en 1931, avant d'être intégrée dans la Constitution, en 1937, sous la forme de six principes baptisés les "Six Flèches" : républicanisme, nationalisme, populisme, étatisme, laïcité et révolutionnarisme. (...)
Le républicanisme rompt avec l'ancien régime; le nationalisme implique que seule l'ethnie turque incarne la nation ; le populisme s'inscrit contre le système des classes et s'appuie sur la solidarité nationale; l'étatisme implique le contrôle de l'Etat sur l'économie; le révolutionnarisme donne toute latitude au gouvernement pour hisser le pays au rang des nations modernes occidentales; la laïcité s'inscrit contre la théocratie ottomane et laisse à chacun la liberté de croyance et de culte. (...) O cette laïcité turque n'est pas la laïcité française (...), car l'Etat kémaliste contrôle la religion à travers un ministère des Affaires religieuses.
Le pluralisme disparaît. Mustafa Kemal concentre ainsi tous les pouvoirs dans sa personne, il devient l' "Homme seul" (Tek adam); c'est le début de la période autoritaire de la République.
Profitant des pleins pouvoirs qui lui sont donnés par la loi sur le maintien de l'ordre, Musafa Kemal engage des réformes révolutionnaires qui transforment graduellement l'ancienne théocratie ottomane en une république laïque et moderne.
En octobre 1922, le nouveau régime d'Ankara porte le coup de grâce au vieil Empire ottoman : le sultan est destitué et maintenu dans son seul rôle spirituel de calife. Apeuré, Vahideddin Mehmed VI, fuit Istanbul, à bord d'un navire anglais, dans l'indifférence générale, et se réfugie à San Remo, en Italie. Il est remplacé par Abdülmecid II, son cousin, qui sera le dernier calife de l'histoire de l'Empire ottoman.
Mustafa Kemal n'apparaît pas seulement comme le défenseur du pays et l'homme providentiel qui veut délivrer le calife "prisonnier des forces d'occupation", il se présente aussi comme le protecteur de la religion, et manipule, dans ce dessein, les symboles islamiques avec ruse et machiavélisme.
" Je me suis efforcé d'expliquer comment un grand peuple, dont on considérait la carrière nationale comme inachevée, reconquit son indépendance, comment il créa un Etat national et moderne, fondé sur les plus récentes données de la science. "
(Mustafa Kemal, octobre 1927)
Deux thèses s'opposent sur les massacres des Arméniens en 1915 : pour les Arméniens, le triumvirat jeune-turc a planifié l'extermination sous couvert de déplacements ; pour les Turcs, les déplacements, pratique courante en temps de guerre, visaient à écarter une population qui soutenait l'ennemi russe.