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Citation de mimo26


mimo26
12 décembre 2018
Prologue

La Harley-Davidson de Jocke est déjà là.

Tore Pulli gare sa moto et enlève son casque. Il met pied à terre, le gravier craque sous ses semelles. Les fenêtres de la vieille usine fixent l’obscurité d’un regard aveugle. Le silence est dense, oppressant.

Pulli suspend le casque au guidon et marche vers la porte. Les gonds grognent lorsqu’il pousse le battant. Il avance d’un pas prudent.

— Jocke ?

L’écho de sa voix se répercute dans l’espace vide. Ses bottes claquent sur le revêtement en béton. Peu à peu, ses yeux s’acclimatent à la pénombre, mais il ne voit que les murs et le sol nus, des poutres et des piliers festonnés de toiles d’araignée. Le vent d’octobre hurle à travers les vitres brisées. De petits nuages blancs de condensation glacée s’échappent de sa bouche.

C’est presque comme dans le temps, se dit Pulli en avançant. On monte en puissance avant la confrontation. Il goûte la sensation familière de l’adrénaline qui se rue dans ses veines.

Plus loin dans l’ombre, il discerne une forme allongée sur le ciment. Comme il s’en approche avec précaution, il distingue une odeur âcre d’urine et de métal. Il dérape dans une substance visqueuse, manque de tomber et se rattrape de justesse. Il sort son portable et éclaire le sol.

C’est alors qu’il voit dans quoi il vient de marcher.

Un cadavre gît devant lui. Le dos d’un blouson de cuir imprégné de sang a été lacéré à plusieurs reprises. Au-dessus du col, la boîte crânienne dénudée brille à travers une large entaille dans le cuir chevelu rasé et tatoué.

Il reconnaît immédiatement le motif. Il n’y a que Jocke Brolenius pour avoir « Go To Hell » tatoué sur la nuque.

Son mobile s’éteint.

Il tend l’oreille tout en examinant les alentours d’un regard nerveux, mais il ne perçoit qu’un profond silence. La grande salle semble vide – hormis Jocke. Cet homme qu’il haïssait avec passion, mais dont il ne voulait la mort pour rien au monde.

Ou, du moins, pas tout de suite.

Il se penche, saisit le blouson et retourne le corps pesant. Le visage couvert de sang est crispé, la bouche ouverte. Pulli pose deux doigts sur le cou de Jocke, près de l’artère, mais enlève aussitôt sa main. Bien que la gorge soit chaude, elle est aussi molle et lâche, Pulli a la sensation de toucher une éponge humide déchiquetée.

C’est alors qu’il le voit par terre. Le coup-de-poing américain.

Son coup-de-poing américain.

Putain, comment a-t-il atterri ici ?

Une horrible pensée le submerge. Un tas de gens étaient au courant de cette rencontre, sans compter tous ceux qui l’ont vu partir pour le rendez-vous. Et ils étaient beaucoup trop nombreux à savoir que le coup-de-poing américain était suspendu au mur dans son bureau. Et maintenant, le sang de Jocke est sur ses mains, ses vêtements et ses bottes.

Un coup monté ! Un enfoiré lui a tendu un piège.

Pulli envisage de ramasser le coup-de-poing américain et de filer, mais il se ravise. Tu as touché le corps, se dit-il. Tes empreintes sont sur le blouson de Jocke. N’aggrave pas ta situation ; c’est déjà assez moche comme ça.

Il sort de nouveau son portable. Avec ses doigts tachés de sang, il compose le numéro d’urgence pour appeler la police. Tu sais ce qui s’est vraiment passé, se dit-il. Dis-leur la vérité et tout ira bien.

Tu n’as rien à craindre.
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