Citations de Thomas Enger (52)
C'est difficile de se souvenir de chaque jour et de chaque moment passés avec lui, au lieu de pleurer ce qui n'adviendra jamais. Mais si je parviens à me convaincre que les six années d'existence de Jonas étaient les plus belles années de ma vie, eh bien, ce sera un début.
— J’ai l’impression d’avoir perdu un grand morceau de moi-même, dit-elle en parlant lentement sans le regarder. Une part de moi-même s’en est allée et pourtant, d’une certaine façon, cette part continue à faire mal. Vous voyez ce que je veux dire ? […]
— Ce sont des douleurs fantômes, dit il.
(Bragelonne, p.437)
Quand quelqu'un a quelque chose sur le cœur et se met à parler, ne l'interromps pas. Laisse-le terminer Même si tu n'aimes pas ce qu'il dit.
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Elle lui tend la main par-dessus le comptoir. Il la prend. La peau est douce, le contact plaisant. Il ne se souvient pas de la dernière fois qu’il a éprouvé le plaisir d’avoir une peau douce contre la sienne. Elle lui serre la main, exerçant juste la pression adéquate. Il croise son regard, puis lui lâche la main.
Au moment où il se retourne pour partir, il se demande si elle a remarqué le sourire qui s’est presque formé sur ses lèvres.
En italique dans le texte
Quand quelqu'un a quelque chose sur le cœur et se met à parler, ne l'interromps pas. Laisse-le terminer Même si tu n'aimes pas ce qu'il dit.
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"Recherche" est un beau mot. C'est même une profession. "Chercheur". Dans les séries policières on l'appelle "analyste". Dans la presse, c'est "documentaliste".
- Peut-être que quelqu'un a tout simplement trouvé que c'était une bonne idée de la tuer par lapidation. C'est une façon abominable de tuer quelqu'un. Ça prend un temps fou, surtout si les pierres sont petites.
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Il est plein de préjugés. Mais il aime bien les préjugés, il aime revoir ou changer ses points de vue après coup parce qu'il a appris des choses qui bouleversent ses idées reçues. Ce qu'il a appris en observant l'appartement des frères Marhoni ressemble à une friandise peu appétissante, mais qui a un goût incroyable quand on la déballe pour la mettre dans sa bouche.
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Elle doit être lesbienne, songe-t-il, puisqu'elle n'a pas eu envie de me baiser.
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Kare Hjeltland est chef de la rédaction de 123News. Ce petit homme osseux aux cheveux en désordre est habité d’une passion qui excède tout ce que Henning a jamais connu. Kare, c’est le lapin Duracell sous amphètes : il a en permanence une centaine de sujets en tête et tout un arsenal d’angles possibles pour les traiter. Voilà pourquoi il est rédacteur en chef.
Une enceinte de trois mètres de haut, garnie de pointes de métal noir, entoure le bâtiment. Le portail intégré glisse lentement pour laisser sortir un fourgon de sécurité Loomis. Henning passe devant un petit poste de garde inoccupé et essaie d’entrer dans l’immeuble. La porte refuse de s’ouvrir. Il regarde à travers le panneau vitré. Personne en vue. Il appuie sur un bouton en acier brossé, surmonté d’une plaque où est inscrit le mot RÉCEPTION. Une voix féminine lui répond d’un ton brusque.
— Oui ?
— Salut, dit-il avant de s’éclaircir la gorge. Pourriez-vous me laisser entrer, s’il vous plaît ?
— Avec qui avez-vous rendez-vous ?
— Je travaille ici.
Silence.
— Vous avez oublié votre badge ?
Quel badge ?
— Non. En fait, je n’en ai pas.
— Tout le monde a un badge.
— Pas moi.
Dans la ville endormie. C’est là qu’il veut être. Et il y est. Dans le quartier Grünerløkka d’Oslo, au petit matin, avant l’explosion de la vie urbaine, avant que les terrasses des cafés se remplissent, que papa et maman partent au travail, que les enfants soient déposés à la garderie et que les cyclistes dévalent Toftes Gate en grillant au passage le plus de feux possible. Seules quelques personnes sont déjà debout, et bien sûr les pigeons s’affairent, toujours en maraude.
Un escabeau est posé juste à droite de l’entrée. Il le prend, y grimpe et repère le sac Clas Ohlson, rangé sur le vieux porte-chapeau vert. Il en sort des piles, ouvre le boîtier de l’alarme incendie, enlève la pile et la remplace par une neuve.
Il teste l’appareil pour s’assurer qu’il fonctionne.
Quand sa respiration est revenue à la normale, il redescend. Il a appris à apprécier les alarmes incendie. Tant et si bien qu’il en a huit chez lui.
Chaque fois qu’il referme la porte en rentrant chez lui, il a le sentiment que quelque chose va de travers. Son souffle s’accélère, la chaleur l’envahit, ses paumes deviennent moites.
(…) il pense que, demain, tout pourrait être différent. Impossible de savoir s’il s’agit d’une idée originale ou si quelqu’un la lui a plantée dans la tête. Il est possible que rien ne change. Seuls les voix et les sons seront peut-être différents. Quelqu’un pourrait hurler. Quelqu’un pourrait chuchoter.
Peut-être tout sera-t-il différent. Ou rien. Et, entre les deux, un monde complètement bouleversé. Est-ce que j’en fais encore partie ? se demande-t-il. Est-ce que j’y ai encore ma place ? Suis-je assez fort pour exhumer les mots, les souvenirs et les pensées que je sais enfouis au plus profond de mon esprit ? Il l’ignore.
Il y a un tas de choses qu’il ignore.
Henning avait l’habitude de venir fumer à cet endroit. Il ne fume plus. Aucun rapport avec des raisons de santé ou le simple bon sens. Sa mère souffre d’emphysème, mais ce n’est pas ça qui l’arrête. À vrai dire, il a désespérément envie de tirer sur une cigarette. Ces minces petites amies blanches, toujours heureuses de vous voir, même si, malheureusement, elles ne s’attardent jamais très longtemps. Mais ça lui est tout bonnement impossible.
La dernière chose que Thorbjørn Skagestag remarque, avant de sortir de la tente en titubant, c’est le vernis sur les ongles de la femme. Rouge sang.
Exactement comme les lourdes pierres éparpillées autour d’elle.
Un des globes oculaires est sorti de son orbite. Le nez aplati semble avoir été écrasé à l’intérieur du crâne. La mâchoire défoncée, sillonnée de coupures, est marbrée de contusions violacées. Les yeux et l’arête de ce qui reste du nez sont badigeonnés d’un épais flot de sang noir, provenant d’une profonde blessure ouverte sur le front. Une incisive retenue par un filet de sang coagulé pend de la lèvre inférieure. D’autres dents parsèment l’herbe devant la femme qui autrefois avait un visage.
Plus maintenant.
Il se rapproche lentement de la jeune femme, mais se fige d’un seul coup. Il est en hyperventilation, sa respiration finit par se bloquer. Les muscles de son estomac se contractent, se préparent à expulser le café et la banane du petit déjeuner, mais il parvient à réprimer la nausée. Il recule, cille nerveusement, puis la regarde de nouveau.
Une des mains de la victime est détachée du corps. Elle est tranchée et posée près du bras, comme si elle s’était séparée du poignet. La tête retombe vers une des épaules. Il regarde une nouvelle fois les boucles blondes. Des mèches emmêlées de cheveux rouges se dressent çà et là ; on dirait une perruque.