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Citation de enkidu_


La Covid-19 modifie les équilibres entre Asie et Occident, mais surtout scelle la rupture entre la Chine et les États-Unis. C’est un cycle de quarante ans qui se referme, modifiant ainsi la nature même de la mondialisation. Le néolibéralisme de Ronald Reagan (1911-2004), importé en Europe par Margaret Thatcher (1925-2013), s’est traduit par la dérégulation et la financiarisation des économies avancées. Sa portée mondiale ne peut se comprendre sans les réformes structurelles lancées par Deng Xiaoping (1904-1997) pour ouvrir l’économie de la Chine au monde. Cette complémentarité sino-américaine, qui se met en place à la fin des années 1970, intervient sur fond de rivalité soviéto-américaine, dans un contexte stratégique marqué par la révolution islamiste en Iran, l’intervention soviétique en Afghanistan et la crise des euromissiles.

Au cours de ces quatre décennies s’est opéré un formidable transfert industriel et technologique des États-Unis, d’Europe et du Japon vers la Chine, transfert permettant désormais à Pékin de contester ouvertement la suprématie de Washington : « Les États-Unis impriment des dollars américains pour acheter des produits du monde entier, et le monde entier travaille pour les États-Unis. Tout cela est très bien. Mais en cas d’épidémie ou de guerre, un pays sans industrie manufacturière peut-il être considéré comme un pays puissant ? » se demandait ingénument, en mai 2020, le général Qiao Liang, vingt ans après La Guerre hors limites.

En créant des opportunités stratégiques, la pandémie peut s’interpréter dans cette optique. La réaction américaine a mis en lumière le degré de désorganisation de l’administration fédérale. La focalisation du monde sur Donald Trump doit beaucoup au personnage mais aussi à la centralité que les États-Unis conservent dans le système international. L’élection de Joe Biden montre à quel point ils demeurent polarisés politiquement. Si un changement de style diplomatique est prévisible avec cette nouvelle administration, les fondamentaux de la puissance américaine ne varieront pas. Elle compte enrayer le « blitzkrieg technologique » lancé par la Chine pour maintenir sa suprématie. Utilisée par le procureur général William Barr début 2020, cette expression traduit la manière dont Washington voit le déploiement de la 5G comme l’enjeu d’une bataille technologique décisive pour la maîtrise globale des données. Cette vision fait l’objet d’un large consensus.

Plus fondamentalement, la crise de la Covid-19 renvoie à des dynamiques de civilisation. Elle accélère la désoccidentalisation de la politique internationale et met en lumière les différences de conception de la mondialisation actuelle. Les Européens, et les Français en particulier, peinent à saisir leur provincialisation car leur rapport à la mondialisation post-1979 s’est principalement fondé sur la construction européenne et le lien transatlantique, qui sont l’une et l’autre en crise profonde. Pour eux, mondialisation rimait avec occidentalisation, mais la portée universelle de cette dernière fait désormais l’objet de multiples récusations.
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