C’est dans cette tension entre l’armement populaire et la construction d’institutions républicaines que se manifeste le dilemme de la politique révolutionnaire : née d’une insurrection qui a ébranlé l’État, elle s’efforce précisément de reconstruire les institutions. Pour ce faire, il faut que le pouvoir d’État ait une assise solide dans le monopole de la violence, ce qui présuppose une séparation des sphères du pouvoir militaire et de la société politique et civile. Seule une telle séparation est capable de protéger la société de l’usage incontrôlé de la violence et c’est pour cette raison que les officiers de l’armée vantent – contre les rassemblements armés tels que la garde nationale – les principes d’une armée constituée comme« corps » social soumis à ses propres règles : « L’on ne voit plus aujourd’hui en France les soldats occupés à voler les jardins, et à enfoncer les portes des maisons écartées : actuellement un régiment sert toujours à assurer l’ordre dans un pays. »
Les Lumières condamnent la guerre en tant que comportement irrationnel lié aux « ambitions » des princes, alors que les peuples n’y ont aucun intérêt. La guerre va donc à l’encontre des lois de la nature et des critères de l’humanité tels que la rationalité, la civilité et le règne du droit.