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Citation de MegGomar


Dans le rapport au corps, les femmes ont un seul rôle à jouer :
celui de malade. On assiste à une médicalisation de la féminité.
Comme l’écrit la grande historienne Yvonne Knibiehler, la femme du XIXème siècle est une éternelle malade C’est toute la vie
corporelle des femmes qui est envisagée comme une suite de
maladies et de déséquilibres : la grossesse, les règles, la
ménopause. La femme est maladie. Cela s’explique parce qu’elle
est fragile et instable. Et peu importe que les femmes soient
privées d’exercice physique, moins bien alimentées que les
hommes, forcées à passer leur temps à faire des travaux
d’aiguilles et soumises à une pression sociale insensée. Avec le
recul, il est clair que l’empêchement de vivre, d’être libre en a
plongé des paquets dans des états effectivement maladifs. (Dans
Mémoires d’une jeune fille rangée, où elle taille en pièces la figure de la jeune fille, Simone de Beauvoir accusera la morale bourgeoise et ses carcans de la mort de sa meilleure amie Elle montre que ce n’est pas la femme qui est une maladie, mais la féminité bourgeoise.)
L’historienne Sabine Arnaud s’est particulièrement intéressée à l’hystérie. Comment invente-t-on une maladie ? C’est la question
qu’elle pose dans son livre L’Invention de l’hystérie au temps des
Lumières (1670-1820). Elle y retrace l’histoire de cette notion.
Parce qu’au début, l’hystérie est une maladie unisexe gurez-
vous. Elle peut concerner les hommes comme les femmes. En
réalité, elle est surtout perçue comme une maladie de classe
sociale. Elle serait causée par l’oisiveté des nobles, une éducation
trop raffinée un excès de sensibilité. C’est après la Révolution
que l’hystérie devient véritablement une maladie de femme. Elle
sert alors à critiquer un groupe, les femmes, comme
biologiquement problématique. L’hystérie, c’est une manière de
dire que les maladies des hommes et des femmes sont
différentes t donc d’insister encore sur ce qui sépare les sexes.
Et c’est aussi une disqualification u féminin. Comme si le
féminin était pathologique, portait en lui une maladie, puisque la
femme a dans son corps un utérus.
Cette vision de la femme comme naturellement malade se
poursuivra longtemps.
Le mythe de sa supposée faiblesse et de sa fragilité a la peau
dure. Alors quel a été mon bonheur de le voir dynamité en 2017
par un dessin merveilleux de l’excellente Emmanuelle Teyras, en
collaboration avec Maxime Poisot. Elle y représente un couple de personnes âgées assez distinguées assises face à face, au
restaurant. La femme lève son couvert vers son mari qui s’essuie
la bouche et lui dit : « J’ai été réglée à 12 ans, ménopausée à 53.
Quarante et une années de règles douloureuses. Lorsque j’ai
accouché de Catherine, les forceps m’ont causé une déchirure de
vingt-trois centimètres. Pour François, la césarienne en urgence
après trente-huit heures de travail m’a laissé une cicatrice qui me
brûle encore aujourd’hui. L’énorme stérilet en cuivre qu’on m’a
posé de mauvaise grâce en 1967 m’a provoqué des contractions
du diable plusieurs jours durant. J’ai supporté vingt-cinq frottis
vaginaux, huit mammographies et deux avortements clandestins
sans analgésique. Alors Victor, votre problème de prostate,
comme vous le dites si bien : je m’en bats les couilles avec des
raquettes en bois. »
Mais au XIXème siècle, on ne voit pas la femme comme puissante
ou forte, on l’envisage comme une perpétuelle malade qu’il faut
soigner à tout prix – et le prix est parfois très élevé... À la fin du siècle, on va jusqu’à pratiquer des ablations d’ovaires sains
pour « calmer » les femmes. Le grand promoteur en Europe de la
castration féminine s’appelait Alfred Hegar, il était professeur de
gynécologie à Fribourg. (Un tiers de ses patientes mouraient de
septicémie.) On pratiquait également l’excision. Hegar et ses
confrères mutilèrent des milliers de femmes, mais au nom de la
science, s’il vous plaît. On pensait que l’ablation du clitoris, la
clitoridectomie, permettait de soigner les femmes hystériques,
masturbatrices et migraineuses.
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