Toni Schumacher

+++++++ L'HEURE LA PLUS SOMBRE +++++++



L'heure la plus sombre est bien située outre-Manche mais pas à cause de Boris Johnson (BoJo), qui n'était pas encore né au moment de l'action, 1946 ! Non c'est même nettement pire parce que c'est Hitler qui a gagné la dernière guerre et les nazis occupent Londres et le Royaume-Uni,



Nous sommes 9 mois après la fin des combats et John Rossett, policier de son état, vient d'être recruté par le Bureau des questions juives comme enquêteur. Son épouse et fils viennent eux d'être tués par une bombe de la résistance, ce qui le laisse sérieusement déboussolé.

John trouve sa logeuse, Madame Ward très séduisante, mais il n'a plus envie de rien, sauf des clopes à longueur de journées et du whisky la nuit.



L'unité de police dont il fait partie est constituée principalement des membres de la "British Union of Fascists" d'Oswald Mosley (1896-1980) et de vauriens de toutes sortes. Au cours d'une razzia, pendant laquelle 84 Juifs sont arrêtés et déposés à la gare pour prendre un train avec destination inconnue, Rossett est tombé sur le petit Jacob, 7 ans, le petit-fils d'Israel Galkoff, l'épicier de ses propres grands-parents. L'épicier lui a non seulement laissé Jacob, mais aussi un paquet de souverains d'or. Deux cadeaux empoisonnés : que faire d'un petit Juif à Londres à un moment où les Juifs sont systématiquement envoyés dans des camps en Pologne sans espoir de retour, et jusqu'à 2 fois John a omis de faire la déclaration indispensable à propos des pièces d'or de Galkoff.



Tout cela devient un peu trop compliqué pour notre inspecteur, qui pour y échapper prend une cuite monumentale.

En sortant du pub une bataille a lieu avec un ouvrier du port, Jim Parker, rond comme lui, mais qu'il conduit avec sa vielle petite Audi chez lui, après lui avoir "arrangé" le visage. Son épouse surnommée Queenie lui prépare un excellent repas tout en lui racontant le drame de la mort de leur fils aîné. John est ébahi par ce couple si simple, honnête et aimable et en rentrant il décide que c'est de son devoir, en tant qu'être humain, de prendre soin du petit Jacob.



Seulement le garçonnet se trouve en taule et doit attendre le prochain train pour la Pologne. John Rossett s'introduit dans la prison et doit se battre avec des gardes allemands pour le récupérer. De la confusion gigantesque qui s'ensuit 8 résistants anglais, dont le départ était prévu pour Paris, en profitent pour s'échapper. Les nazis sont fous furieux et organisent une colossale chasse à l'homme. Ils veulent aussi reprendre le petit Juif et apprendre de John comment ce cirque a été possible.



Personnellement, ma nostalgie de Philip Kerr, décédé l'année dernière et pour qui j'ai toujours eu énormément d'admiration, m'a induit en erreur. En lisant des commentaires dans la presse anglaise, j'ai eu l'impression que John Rossett était devenu la réincarnation de l'inoubliable héros de Philip Kerr : Bernie Gunther. Mais je me suis lourdement trompé et à plusieurs niveaux : la personnalité de Bernie est à la fois plus complexe et sympathique que John Rossett, Kerr avait un style très personnel avec une bonne dose d'humour et était un maître à nous présenter des personnages historiques les plus variés, toujours bien recherchés et documentés d'ailleurs.



Ce que je regrette dans cette histoire d'un Hitler gagnant, c'est l'absence d'un aperçu de la situation en Angleterre : qui est au pouvoir ? Comment se nomme le gouverneur allemand et quelles sont ses compétences et attributions ?

Que le Führer Adolf Hitler serre, à un moment donné, la main du roi Édouard VIII, n'est pas de nature à combler ma curiosité. De même en Europe : Quelle est la situation en France, Belgique, Italie, Luxembourg.... ? Tout ce que l'auteur nous raconte c'est que les communistes russes continuent les batailles et que depuis la mort de Franklin Delano Roosevelt, les États-Unis n'aident plus le Royaume-Uni et ses alliés de l'Europe continentale ! Tout ça est évidemment un peu maigre et frustrant.



Avant de devenir journaliste et réalisateur de films pour la télé britannique BBC, Tony Schumacher a été simple ouvrier sur des chantiers de construction, agent de police, acteur et "standup-comedian". Il a donc fréquenté diverses couches sociales de la population britannique, ce qui constitue bien sûr un important atout pour les enquêtes de son inspecteur. Il n'y a que 5 ans que son premier polar fut lancé.



J'espère que dans 2 livres qui suivent, "The British Lion" de 2015 et "An Army of One" de 2017, Tony Schumacher éclaire le tableau politique avec un minimum de précisions essentielles pour éviter que la lectrice et le lecteur ne pataugent dans la choucroute.