Guillian chevauchait aux côtés de la Rose depuis tant d'années qu’il n’aurait su les compter. Elle l'avait recueilli alors qu’il n'était encore qu'un jeune homme, ignorant presque tout de la science des armes, sur les ruines de son village incendié. Comme chacune des Épines qui accompagnaient la jeune femme, Guillian trainait dans son sillage des blessures qui l'avaient amputé d'une part de sa vie. Lui n'avait ni nom, ni domaine, ni rien dont être fier après la mort des siens et la destruction de ses terres ; mais la Rose l'avait trouvé et lui avait donné son titre.
- Ritter Guillian tu seras à présent, lui avait-elle dit en ce jour fatidique, dressée du haut de sa monture, ses prunelles vertes fichées dans son regard perdu. C'est le nom que l'on donne aux chevaliers, là d'où je viens.
- Mais je n'ai nul seigneur à servir ni terre à défendre, avait-il protesté.
- À mes ordres tu obéiras, Ritter Guillian ; je serai ton seigneur. De ta vie tu me protégeras ; et je serai ta terre. Je suis la Rose, qui parcourt les royaumes pour y terrasser le Mal et venir en aide aux pauvres gens. Tu seras I'une de mes Epines, et ma mission sera la tienne. Je ne te promets ni gloire ni richesse autre que celle que l'on se taillera dans le sang et la terreur, car ainsi est faite la vie véritable d'un chevalier, loin des tables d'abondance et des festins des rois. Quen dis-tu, Ritter Guillian ? Accepteras-tu de me suivre ?