Ursula Goldmann-Posch

Le psychiatre Walther Birkmayer, enfin, spécialiste viennois des problèmes de neurochimie, constate que le plus grand malheur qui puisse arriver à un patient dépressif, c'est de tomber aux mains d'un psychothérapeute."

La peur de l'angoisse est peut-être bien pire que l'angoisse elle-même. L'espace d'une seconde, je rêve d'un grand bock de bière brune, écumante, que l'on brasse au couvent. Je n'ai jamais particulièrement apprécié la bière, mais cette fois elle m'aiderait peut-être à dormir comme une marmotte. Cependant, je me ravise : non, c'est l'erreur à ne pas l'alcool. Je ne peux tout de même pas me mettre à boire chaque soir un bock de bière pour m'endormir.

"L'angoisse est tellement insupportable pour la personne concernée qu'elle tente de l'expliquer par tous les moyens, dans l'espoir de trouver quelque chose qui puisse lui donner l'impression de mieux la maîtriser, affirme Willi Buttolo, spécialiste des problèmes de 'angoisse. Ce besoin de théorisation peut aller jusqu'à l'obsession. Mais une telle démarche se solde la plupart du temps par une grande déception, car la connaissance des causes du mal n'apporte pas au sujet ce qu'il en attendait."

Selon les sources que l'on consulte, on dénombre entre quatre-vingts et cent cinquante tendances et écoles différentes dans le domaine de la psychothérapie [...]. "La situation est comparable au sur-potentiel de destruction des arsenaux militaires, dit Wolfgang Schmidbauer; Il y a tant de possibilités différentes de thérapies mentales que la vie d'un patient ne suffirait pas pour les essayer toutes."

C'est Marianne Franssen, psychologue et spécialiste des maladies de la femme qui avance cette hypothèse. "Si l'on prend en considération le fait que 90% des psychiatres, considérés comme l'autorité suprême en matière de santé mentale, sont de sexe masculin - contre 75% chez les psychologues -, si l'on admet par conséquent que les critères de décision de la profession médicale sont largement déterminés par des hommes, il est clair qu'il ne faut en aucun cas sous-estimer l'incidence de ce double -critère d'évaluation sur la manière d'apprécier la pathologie mentale chez la femme.

... la mélancolie est l'inquiétude que fait naître en l'Homme la proximité de l'éternel : c'est tout à la fois un enchantement et une menace. [Guardini Romano]

Surtout ne pas boire de vin, surtout ne pas verser d'alcool sur cette tristesse insondable. Je serais perdue si je me rendais compte que cela permet de dissoudre l'angoisse.

C'est curieux, depuis que le présent me semble si peu digne d'être vécu, je me raccroche de toutes mes forces à mes souvenirs. L'odeur qui règne à Pufels est restée la même, et le village ne s'est presque pas agrandi pendant ces quelque vingt-cinq années.

Où que je regarde, je vois de la verdure : le printemps a investi la nature. Je m'allonge dans l'herbe et je me demande si les arbres aussi connaissent l'angoisse.

C'est par une journée d'hiver ensoleillée qu'est venue l'angoisse.

Le temps passé à vivre avec l'angoisse m'a appris un peu à mourir.

Autrefois, je réfutais catégoriquement l'argument selon lequel la souffrance peut servir à quelque chose. Ce genre de propos n'était pour moi que le verbiage de masochistes. Mais l'expérience que j'ai vécue m'a fait changer d'avis. Si je vois les choses de cette façon, c'est en partie grâce aux sept premiers médecins que j'ai consultés et que je me dois de remercier ici et a postériori.

A l'époque de ma dépression, je me suis demandé si la raison de cette errance de médecin en médecin se trouvait en moi-même, ou si elle était inhérente à la maladie. Ou bien fallait-i la mettre sur le compte de l'incompétence des médecins ? Je ne pourrai jamais donner une réponse définitive à cette question. [...]... le désarroi que j'avais éprouvé dans cette jungle de plus en plus dense que sont les institutions chargées de secourir les âmes en détresse n'avait rien d'exceptionnel. Plus encore : j'ai compris finalement que je m'en étais tirée sans trop de mal en comparaison de ce qu'ont vécu beaucoup d'autres.

... où se trouve la frontière entre la rumination stérile et le simple désir de comprendre ?

Est-ce notre nature profonde qui se dévoile dans la dépression, ou bien la dépression est-elle l'expression tragique d'une vie qui se heurte à l'incompréhension ? La vérité est peut-être nichée dans un va-et-vient constant entre l'espoir et la désespérance.

Depuis quelques jours, j'ai compris que les mots peuvent devenir aussi menaçants que des couteaux pointus. Des mots qui, sans qu'on le leur ait demandé, sortent de leur contexte, échappent à tout contrôle.

L'angoisse aime la vulnérabilité du sommeil.

[Bernd] L'angoisse est donc une disposition à la fuite, quand elle n'est déjà pas elle-même une fuite.

Je ressens à nouveau cette sensation de vide dans le ventre, cette chute interminable dans l'abîme. Un tiraillement dans les cuisses et les bras, une sorte de crampe, me fait trembler, et puis, peu à peu ce poids qui oppresse ma poitrine disparaît. Au bout d'un quart d'heure, tout est terminé, comme par enchantement. Je me lève et je vais au salon où mon mari est encore en train de lire.