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Citation de Partemps


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En ces temps terribles où la démence règne au nom de la gloire des États, des nations et du bien universel, en ce temps où les hommes ne ressemblent plus à des hommes, où ils ne font que s’agiter comme des branches d’arbre, rouler comme des pierres, qui, s’entraînant les unes les autres, comblent les ravins et les fossés, en ce temps de terreur et de démence, la pauvre bonté sans idée n’a pas disparu.
Des Allemands, un détachement punitif, sont entrés dans le village. Deux soldats allemands avaient été tués la veille sur la route. Le soir, on réunit les femmes du village et on leur ordonna de creuser une fosse à la lisière de la forêt… Plusieurs soldats s’installèrent dans l’isba d’une vieille femme. Son mari fut emmené par un politsaï au bureau, où on avait déjà rassemblé une vingtaine de paysans. Elle resta éveillée toute la nuit : les Allemands avaient trouvé dans la cave un panier d’œufs et un pot de miel, ils allumèrent eux-même le poêle, se firent frire une omelette et burent de la vodka. Puis, l’un d’entre eux, le plus âgé, joua de l’harmonica, les autres, tapant du pied, chantaient. Ils ne regardaient même pas la maîtresse de maison, comme si elle était un chat et non un être humain. Au lever du jour, ils vérifièrent leurs mitraillettes, l’un d’entre eux, le plus âgé, appuya par mégarde sur la détente et reçut une rafale dans le ventre. A ce moment-là, on les appela tous dehors. Ils ordonnèrent par signes de veiller sur le blessé. La femme voit qu’elle pourrait aisément l’étrangler : il bredouille des mots informes, ferme les yeux, pleure, claque des lèvres. Puis il ouvre soudain les yeux et demande d’une voie claire : « Mère, à boire. » « Maudit, dit la femme, je devrais t’étrangler. » Et elle lui donne à boire. Il la saisit par la main et lui montre qu’il veut s’asseoir, le sang l’empêche de respirer. Elle le soulève et lui se tient à son cou. À cet instant, on entendit la fusillade, la femme était secouée par des tremblements.
Par la suite, elle raconta ce qui s’était passé, mais personne n’arrivait à la comprendre et elle ne pouvait pas expliquer ce qu’elle avait fait.
C’était cette sorte de bonté que condamne pour son absurdité la fable sur l’ermite qui réchauffa le serpent en son sein. C’est la bonté qui épargne la tarentule qui vient de piquer un enfant. Une bonté aveugle, insensée, nuisible !
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