Odeurs opaques de sueur, d'urine, de diarrhée.
Ouvriers-paysans ou condamnés pour des délits, aucun des déportés ne sait qui est Mandelstam. Il est le seul intellectuel du groupe.
Son voisin lui lève le bras chaque matin lors de la distribution du pain mais garde sa ration pour lui.
Le poète Ossip Mandelstam n'a pas faim. N'a pas soif.
Le poète Mandelstam se veut à l'écoute des battements désordonnés de son cœur malade. Âgé de quarante-sept ans, il en paraît le double.
Mort, son voisin de châlit continuerait à lui lever la main pour bénéficier de sa ration de pain.
Incapable de parler, Mandelstam est incapable de s'y opposer.
Ses lèvres balbutient mais aucun son ne sort de sa bouche.
Il récite le même poème de peur de mourir avant lui.
Le répète même dans son sommeil et lorsqu'il lui arrive de rêver.