AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


« Alors, il te plaît, ton nouveau boulot ? »
Dixie Mae leva les yeux de son clavier et découvrit une portion de visage boutonneux qui la fixait au-dessus de la cloison de son box.
« C’est mieux que de faire griller des hamburgers », répondit-elle.
Victor fit un petit bond, se rendant visible jusqu’au menton. « Tu crois ? Ça ne durera pas éternellement. »
En fait, Dixie Mae était du même avis. Mais un poste au service client de Lotsa Tech, c’était un vrai boulot, un premier pas dans l’organigramme de la plus grande entreprise high-tech du monde. « Lâche-moi un peu, Victor ! C’est notre premier jour. » Sans compter les six jours de formation aux produits de l’entreprise, bien sûr. « Si tu n’arrives pas à supporter ça, c’est que tu as la force de concentration d’un criquet.
– C’est un signe d’intelligence, Dixie Mae. Je suis assez futé pour écarter ce qui ne mérite pas l’attention d’un esprit créatif de premier ordre. »
Grr. « Alors ton esprit créatif de premier ordre aura pété les plombs avant la fin de l’été. »
Rictus de Victor. « Bien vu. » Il réfléchit une seconde, puis reprit sur un ton plus posé : « Mais tu comprends… euh… j’ai pris ce job afin d’avoir de la doc pour ma chronique dans Bruin. Je vois ça d’ici : des manchettes genre « Les nouveaux esclaves » ou « Mourir d’ennui au boulot ». J’hésite encore entre la veine purement comique et le commentaire social. Quoi qu’il en soit… » Il baissa la voix d’une octave. « J’ai l’intention de me casser… heu… au plus tard à la fin de la semaine prochaine, de façon à minimiser les dommages cérébraux que me vaudra cette expérience sordide.
– Et tu ne chercheras pas vraiment à aider les clients, hein, Victor ? Uniquement à leur raconter des bobards hilarants ? »
Les sourcils de Victor se soulevèrent. « Je compte me montrer sérieux et pédagogue dans l’assistanat… pendant un ou deux jours tout au moins. » Un sourire sournois déforma ses lèvres. « C’est juste avant de partir que je me transformerai en Salaud d’Assistant venu de l’Enfer. »
Normal… Dixie Mae se retourna vers son clavier. « Okay, Victor. En attendant, laisse-moi faire le boulot pour lequel on me paie, d’accord ? »
Silence. Un silence furieux et vexé ? Non, plutôt le silence salace du mec qui vous déshabille du regard. Mais Dixie Mae garda les yeux rivés à son clavier. Elle pouvait tolérer ce genre de silence tant que l’obsédé était hors de portée.
Au bout d’un temps, on entendit Victor s’affaler sur son siège dans le box voisin.
Ce cher Victor lui cassait les pieds depuis le début. C’était un beau parleur qui, s’il était d’humeur à cela, pouvait expliquer les choses mieux que personne. Mais en même temps, il ne cessait de la ramener sur ses études et de dénigrer ce qu’il appelait leur boulot pourri. Mr. Johnson – le formateur chargé de les familiariser avec les produits maison – était un bon prof, mais ce petit malin de Victor n’avait cessé de le provoquer durant toute la semaine. Sûr qu’il n’avait rien à faire ici, mais pas pour les raisons qu’il évoquait en se rengorgeant.
Dixie Mae mit près d’une heure à traiter sept nouvelles requêtes. L’une d’elles lui demanda pas mal de recherches, une question vraiment bizarre sur la version norvégienne de Voxalot. Ouais, elle finirait vite par se lasser de ce boulot, mais elle se sentait vertueuse à l’idée d’aider les gens. Et grâce aux cours de Mr. Johnson, elle savait que tant que la réponse était envoyée avant l’heure de fermeture, elle pouvait passer tout l’après-midi à chercher comment le programme de reconnaissance vocale de LotsaTech identifiait les voyelles norvégiennes.
Dixie Mae n’avait jamais travaillé dans un service client ; jusqu’à ce qu’elle passe le test du Pr Reich, la semaine précédente, son job le mieux payé avait consisté à faire griller des hamburgers. Bien sûr, comme tout un chacun, elle avait souvent été la victime des services client. Elle achetait un livre neuf, ou une jolie robe, et celle-ci était trop petite, et le dos de celui-là se cassait ; lorsqu’elle contactait le service client, on ne répondait pas à sa requête, sauf avec des phrases préenregistrées, ou alors on cherchait à lui vendre un autre truc – quand bien même la pub affirmait que la priorité de la boîte était d’aider ses clients.
LotsaTech semblait résolue à changer tout cela. Ses patrons avaient compris que pour venir en aide à une clientèle humaine, mieux valait un personnel humain. Aussi embauchaient-ils des centaines et des centaines de personnes comme Dixie Mae.
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}